Tientos, Iñigo de Satrústegui (par Didier Ayres)
Tientos, Iñigo de Satrústegui, éditions Fario, novembre 2021, 54 pages, 10 €
Ainsi se comprend le silence de l’intelligence dans l’art (Iñigo de Satrústegui)
Une personne
Ce qui frappe dans ce petit livre d’Iñigo de Satrústegui, c’est l’aperçu certain de l’homme derrière le texte. On y voit l’homme agir comme une personne, devenir son propre Pygmalion. Car ici la personne de l’artiste est visible, se rend visible par des écrans scripturaux, où derrière un certain flegme aristocratique, on devine de la lucidité et des blessures. Du reste le terme le plus approprié serait celui de dasein, d’un destin d’étant. Tiento, ce style de chant flamenco confine au duende, c’est-à-dire à la partie la plus haute de l’émotion. Cette écriture qui est la sienne ouvre sur de faibles éléments biographiques mais savamment utilisés pour convenir à une sorte de livre essai, essai de style et de chant du style.
D’ailleurs, je n’ai pas souhaité déchirer le voile de Véronique tant la langueur de ce livre gagnait en moi une zone de plaisir, de cette sorte que j’éprouve avec la poésie, c’est-à-dire une forme de demi-alerte, de demi-sommeil où va le poème, vers un moi en décours et qui cherche ce qui le complète.
Cette affinité, cette proximité que j’ai pu ressentir à la lecture de Tientos, en deux jours, est d’un ordre peu intelligible, et donc chargé de sensations. Il reste simplement pour moi que cette mise en scène de soi, du soi-même glissant dans le même de l’écriture, est rendue possible par une double écriture à la fois lâche – qui potentiellement contient de grandes idées – et par un travail très fin, d’orfèvrerie littéraire. Comme une pensée gazeuse qui s’attacherait à décrire dans la brume la réalité survolée (du reste l’expérience, que je connais de mon père, de l’aviation de tourisme produisant ce genre d’effets). De plus, le livre est beau dans son petit format et sa simplicité graphique.
Didier Ayres
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