Temps couvert… Pas de vent, Odile Gapillout
Temps couvert… Pas de vent, Ed. de la Rémanence, coll. Traces, décembre 2014, 170 pages, 16 €
Ecrivain(s): Odile Gapillout
Comment rendre-compte d’une vie ? Que dire d’une enfance, d’un passé enfoui ? Odile Gapillout, dans Temps couvert… Pas de vent, fait le choix de ne rapporter que des bribes, des souvenirs épars, des fragments. Pas de continuum, de récit totalisant qui nous restituerait – ou prétendrait le faire – dans l’entièreté de notre être.
Son livre, c’est un album photo sans images, ce sont des images devenues mots, revenues à la surface. Ce sont des moments de vie, des épiphanies, mais aussi des moments plus graves et douloureux. La narratrice les saisit, les conserve, les embaume en autant de petits mausolées qu’il y a de chapitres.
La narratrice, c’est Lucile. Ce n’est pas Odile, pas tout à fait du moins. La quatrième de couverture nous signale pourtant qu’Odile Gapillout est la fille de Robert, qui est aussi le père de la narratrice. On apprend par ailleurs dans le texte que la grand-mère de Lucile s’appelle, tout comme l’auteur, Gapillout. Pourquoi ce jeu avec l’identité ? Pour garder une distance semble-t-il, la juste distance pour se raconter, pour rendre à ces instants leur authenticité. Pour dire que le temps a passé. Que nous ne sommes peut-être plus les mêmes.
L’histoire de la narratrice, de son enfance, c’est aussi celle de ses parents. Robert, son père, est un fonctionnaire de police. Ce qu’il aime, c’est jardiner, cultiver son potager, écouter la radio. Il construit de ses propres mains une maison mais s’efface toujours devant sa femme, Lucienne. Elle est aimante mais jalouse et rarement satisfaite. De ses crises, personne ne sort indemne. Elle sombre dans la dépression, puis la folie qui l’emporte. Tout dans sa vie était devenu un enfer. « Puis l’enfer ce sera elle ». « Dépressions à répétition… électrochocs… Mise en retraite anticipée… Episode de mélancolie. A la fin, toutes ces histoires eurent raison d’elle ».
Après Lucienne, Robert rencontrera une autre Lucienne. C’est avec elle qu’il vieillira, à ses côtés qu’il disparaîtra. A l’excès de sa vie d’avant, a succédé « la retenue, la mesure, l’équilibre ».
Retenue, mesure, équilibre c’est aussi ce qui caractérise l’écriture d’Odile Gapillout. Cette vie, qui est la sienne, elle la restitue avec autant de tendresse que de recul, dans un geste émouvant et lucide.
Arnaud Genon
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