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Sweet homme in Florida (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard 18.08.22 dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

Sweet homme in Florida (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Pourquoi, selon vous, deux nanas de quarante ans passeraient trente heures dans une voiture ?

Je vais vous raconter le road trip de Mary-Lee et Cassandra. Quatre jours sur la route avec un couteau, deux mangues encore vertes, un pack d’eau minérale gazeuse, elles préfèrent dire, pétillante. La voiture, elle s’appelle Sue, c’est écrit sur la plaque à l’arrière. Et la fleur qu’elles ont volée aux plates-bandes de la résidence, c’est pour décorer le pare-brise, elles l’ont baptisée Holly et avec deux ales. Mary-Lee est brune, Cassandra est blonde. L’une est native de Destin, en Floride. L’autre de Naples, en Floride également. Deux amies qui le sont devenues parce qu’elles boivent leur Ice latte tous les matins, au même endroit, chez Panther’s, à Mayami Beach. Trente heures ou quatre jours pour aller à un mariage qui va durer douze heures, le mariage du cousin de Mary-Lee, le cousin dont elle était amoureuse jusqu’à ses vingt ans. Cassandra espère y rencontrer l’amour. Les deux y vont pour se persuader du contraire.

Lieu du mariage, Destin. Elles doivent remonter toute la Floride en forme de pistolet, partir à l’heure où les arrosages automatiques se déclenchent et sans l’aide de personne. Elles mettront moins de deux jours pour rejoindre en ligne droite, Destin, pour marcher en balançant leurs hanches sur les plages comme à vingt ans. Sentir à nouveau le parfum des fleurs de magnolia en se promettant de s’offrir une nuit torride, voire deux, dans le plus bel hôtel de Floride, dommage, elles n’ont pas le temps.

Célibataires, toutes les deux sont amoureuses, a crush pour Mary-Lee, a love at first sight pour Cassandra, deux façons de définir le coup de foudre, expression qui pour elles ne signifie pas grand-chose. Le ciel qui tombe sur la tête, ici, connaît pas. Ça fait longtemps qu’elles ne croient plus aux princes charmants, aux contes de fées, aux coups de baguette magique et aux coups de toute sorte. Les fées et les hommes charmants, elles s’en méfient. Elles aiment séduire, elles veulent être libres et le rester, elles multiplient les dates en simultané et fuient les talk. Elles comparent, elles mettent des notes de 1 à 10 comme sur l’échelle des douleurs, elles se protègent. Protéger leur cœur surtout. Elles vibrent autant que leurs téléphones respectifs, elles passent des heures à se raconter leurs sentiments en dents de scie, en chantant à tue-tête sur les musiques que l’une a sélectionnées pour l’autre. Materials girls. Dommage. Elles tombent toujours amoureuses d’hommes si peu préparés à donner, incapables d’exprimer, voire d’assumer leurs émotions, trop effrayés par elles.

Qu’importe.

Mary-Lee et Cassandra aiment le sentiment d’aimer, elles tirent à vue, elles chassent, au fond qu’importe la cible ou la réciprocité. Liberté, indépendance, autonomie, elles s’imaginent qu’elles n’ont plus besoin des hommes, elles croient qu’elles ne peuvent pas être libres, indépendantes et autonomes à deux. Sex-toys girls. Un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, elles font l’amour pour de vrai, elles se disent que tout est faux, que rien ne dure jamais, elles veulent tout faire en même temps, et en simultané, elles abattent toutes leurs obligations. Professionnelles, elles ont les moyens de leurs ambitions.

Elles sont les premières à pleurer lors de la cérémonie du mariage, les premières sur la piste de danse, les premières à espérer la demande en mariage qui fera d’elles des femmes sous haute protection. Elles veulent se marier, elles veulent être belles et désirables, elles veulent fonder une famille, avoir un bébé avant la fin de l’obsolescence programmée, pas un enfant, avoir un bébé d’abord, une maison aussi. L’absolution. Elles veulent aimer un homme pour qui elles n’ont pas de place dans leur lit et elles veulent tous les autres. Hautaines ou séductrices. Elles changent d’avis, elles font non de la tête, le mariage c’est sûrement pas pour elles, être en couple ou mettre un contrat sur un personne, no way, elles veulent rentrer chez elles, n’appartenir qu’à elles-mêmes, rentrer vite pour y être seules comme elles le veulent.

À peine deux jours pour rentrer dans l’autre sens, On the road again, Destin-Mayami Beach, avec Sue, le pare-chocs moucheté de lovebugs, des mouches à double tête parce qu’elles peuvent rester accouplées plusieurs jours. La fleur Holly fanée, plus qu’un seul l, les deux mangues qui finissent de mourir dans un sac en plastique, le couteau qui n’a pas servi. L’amour en miroir dans le rétroviseur, elles veulent rester fidèles à leur destin en ligne droite. Elles ne sont plus amoureuses, ça leur est passé en trente heures ou quatre jours, l’amour est à nouveau partout comme ces milliers de lovebugs bloqués sur le pare-chocs de Sue. Autant de potentialités qui les excitent, qui les effraient, elles volent la même chose que les hommes. En attendant de mûrir un peu plus chaque jour, elles chantent et balancent par les fenêtres ouvertes des Sweet homme in Florida et Girls who just want to have fun !

 

Jeanne Ferron-Veillard


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A propos du rédacteur

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Jeanne Ferron-Veillard naît le 16 septembre 1975, à Lorient. Grandit en Bretagne puis à Albi. A l’âge des grandes mutations, part sur Paris : pensionnaire à l’école de La Légion d’Honneur. Les études ? Niveau licence, quelques souvenirs en Lettres Modernes. Puis ce sera l’Angleterre où elle restera quatre années. Retour en France, entre autres responsable d’une très jolie librairie à Paris. Petit tour de France puis du monde, lit, écrit et vit depuis au même endroit incognito.