Souffles avant, Geneviève Catta (par Patrick Devaux)
Souffles avant, Geneviève Catta, nouvelles, Le Lys Bleu, avril 2021, 96 pages, 11,50 €
D’emblée la première nouvelle commence par un dialogue. Le ton du rythme est donné. La vie de tous les jours, surdimensionnée par quelque chose d’extraordinaire, fait surface dans ce style contemporain où alternent introspections et scènes avec souvent « le souffle » pour fil conducteur, ce qui n’est pas banal, et avec aussi, souvent, l’écrit, le mot, le poème, voire la musique, le tout semblant avoir une vérité sociologique particulière : « S’envelopper dans sa tête, chrysalide patiente sur l’empreinte d’hier, l’alternance nourricière du va-et-vient du nouveau fera surgir les mots, bientôt oui, doucement. Emeline s’échauffe à son frémissement et les mots affleurent, oui, oui, le nouveau jouit à la cadence obstinée et lancinante d’Enigma, les yeux sur elle. Et voilà les mots… ».
L’évènement imprévu fuse au moment où on s’y attend le moins. La vie bascule avec parfois une certaine ironie à rappeler le point fort de l’individu obligé de réagir. Comme en écriture parfois, le mot blanc de la vie transcende les mots remplis.
Un sens quasi anatomique des scènes surjoue l’idée dans le sens voulu : « Ma gueule craquette. Je m’approche, pas à pas microscopique, pattes postérieures rétractées. M’immobilise. Bondis. Millionième de seconde. Le merle s’éjecte de ma trajectoire, s’envole et va se nicher dans le pommier ».
Parfois une nouvelle de deux pages (Pourtant) fait mouche en référence à l’écho qu’elle pourrait faire surgir dans la vie courante de chacun. Le genre « nouvelles » demande une chute avertie, telle celle-ci, parfaite : « De toute évidence, elle ignore tout du coup de foudre et du respirateur naturel qui vient avec », et comme dans la vie courante, l’acte manqué peut devenir l’acte décisif (Consumée).
Chacune des nouvelles, totalement différente, relève d’un travail de genre, minutieux par rapport aux actes ou évènements, l’auteur se rendant véritablement spécialiste de la cause proposée. Tout est travaillé et dans les moindres détails. C’est de l’orfèvrerie.
Fort présente, une sorte de psychologie quotidienne liée à un puissant sens de l’observation, le physique jouant également un rôle clé dans cette coïncidence « corps-esprit » : « Je sens que mon cœur a viré. Je vais m’efforcer de le replacer sur son axe. Je vais tenter d’ignorer la question qui viendra me hanter. Aujourd’hui, est-ce le jour ? ».
Certaines nouvelles se lisent vite. Celles-ci se lisent lentement, chaque mot maçonnant véritablement la conception d’une scène quasiment vécue. On y croit. Elles étonnent tout en étant dans l’axe quotidien d’une réalité augmentée d’un style particulièrement efficace.
Patrick Devaux
Geneviève Catta a l’habitude d’écrire pour des blogs-magazines littéraires web francophones et des revues d’art poétique. Elle signe, avec Souffles avant, sa première publication livresque.
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