Souffles - Arche de livres et le Déluge !
Le déluge ! Chaque temps a son déluge ! Chaque pays aussi. Les Livres sacrés ont tous conté la même histoire du déluge, celui de Noé, à chacun son édition rajoutée.
Je ne vous parle pas de ce déluge rapporté par Moïse, par Jésus ou par Mohamed (que le salut soit sur les trois frères ennemis !). Je vous parle du déluge algérien. Et parce que l’heure de chaque déluge est prescrite par le Ciel. Annoncée à travers des signaux célestes. En Algérie l’heure de déluge s’approche.
En signe de cette Heure, les algériens, tous les algériens, regardent leurs montres et hâtent le pas vers nulle part. En bon citoyen, qui aime son pays et apprend par cœur Kassamane, moi aussi j’ai regardé ma montre. Et j’ai remarqué que ses aiguilles avancent dans le sens inverse. Marchent de droite à gauche. Comme dans le sens de l’écriture arabe ! (Juste rappeler aux roumis que l’arabe s’écrit de droite à gauche). Et leur rappeler aussi que la langue arabe est la langue de l’au-delà. Même Barack Obama, Moshe Dayan, Mao Tsé-toung, Hemingway, Bokassa, De Gaulle et même Abdelmalek Sellal… parleront un jour, le jour dernier, l’arabe. Langue d’Allah.
Donc quand les aiguilles des montres bougent de droite à gauche ceci dit : c’est el kiyyama, l’apocalypse ! Là je commence à comprendre pourquoi l’Algérie, dès les premiers jours de l’indépendance, a imposé l’arabisation. C’était pour réserver à ses citoyens égarés des places au paradis. Pour leur assurer du travail en tant que guide touristique, dans le monde de l’au-delà, auprès de ces Kouffars mécréants qui ne connaissent pas l’arabe. C’est l’Heure qui devance l’Heure du déluge algérien. J’ai rejoins mon lit, tôt. Et j’ai commencé à cogiter. Je me vois en Noé.
Et voilà le Seigneur qui descend de son baldaquin me demandant de me préparer pour confronter le déluge inévitable qui menace notre Algérie. J’ai construit une barque. Et j’ai commencé à établir la liste de ceux que je porterai sur mon arche. Je commence par choisir des livres que je sauverai de l’eau qui commence à monter. Pas de livres religieux sur mon embarcation. Beaucoup de sang a été déversé au nom des religions. Les guerres sale-sacrées.
J’embarque les livres de poésie même si Monsieur Sellal n’est pas d’accord ! Et des romans. J’ai choisi ma liste : Diwan El Amir Abdelkader, Diwan Si Mohand U M’hand, L’Iliade de l’Algérie de Moufdi Zakariya, Chants pour le 11 décembre de Bachir Hadj-Ali, Citoyens de beauté de Jean Sénac, Le soleil assassiné de Myriam Ben, Éclations de Ahmed Hamdi, Ce que voit le cœur nu de Ayache Yahiaoui, La Toupie et l’échelle de Ahcène Mariche, Noces d’eau de Achour Fenni, Oran, échelle 31 de Youcef Merahi… L’âne d’or d’Apulée, Nedjma de Kateb Yacine, Le vent du sud de Abdelhamid Benhadouga, L’As de Ouattar, Habel de Mohamed Dib, Je t’offrirai une gazelle de Malek Haddad, La répudiation de Boudjedra, À quoi rêvent les loups de Yasmina Khadra, Le Village de l’allemand de Boualem Sansal, La mémoire de la chair de Ahlem Mostaghanemi, Club des pins de Rabia Djelti, Virgules en trombe de Sara Haidar, Les bavardages du Seul de Mustapha Benfodil, Le Café de Gide de Hamid Grine,Minotaure 504 de Kamel Daoud, Cet amour-là de Habib Sayeh, Cartographie du désir nocturne de Bachir Mefti, Le songeur de Samir Kacimi, Tagrest Urghu, La tempête de neige de Amar Mezdad et…
J’ai vu le déluge algérien, et j’ai été fier de sauver des livres qui eux seuls sauveront l’espèce humaine algérienne en colportant son histoire à travers l’Histoire.
Amin Zaoui
"Souffles" in "Liberté" quotidien algérien
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