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Solombre, Florence Noël (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux 10.05.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Solombre, éditions Le Taillis Pré, avril 2019, 96 pages, 14 €

Ecrivain(s): Florence Noël

Solombre, Florence Noël (par Patrick Devaux)

 

Il existe une force de persuasion comme il existe une force de dissuasion. C’est ce que révèle, notamment, Florence Noël activant le soleil et l’ombre dans la même idée jusque dans le titre de son évocation.

La maturité de cet auteur touche au sublime dans l’entrechoc des idées, exactement à la charnière où tout pourrait basculer dans un sens ou dans un autre, avec, en direct, des images suggérant une humanité très immédiate : « tes murs sont peints au café froid/ grande table, une seule chaise/ personne/ n’a l’adresse de ta demeure ».

Ainsi « faudrait-il (il faudrait) de la blancheur/aux lèvres soudoyées à l’ange/ annonciateur de faim ».

Le corps se fait vertige à rejoindre ainsi les grandes œuvres humaines (« crisse le papier de soie sous la voûte du pied »).

C’est que l’ombre sert doublement au refrain des mots : « oui je viens payer mon dû à l’ombre/ sans visage/ et de ton visage embrasser/ la clarté ».

La protection de l’instant est initiée par une subtile évocation de la nature à protéger le surgissement : « ta parole s’emmure/ dans le bourgeon serré/ d’un désir réfractaire ».

Des faits de société sont de ci de là dénoncés car « nous tordons les mots/ dans nos langues éponges/ fermente l’encre des/ assassins », la nuit étant « bée/ aux âmes de piètre/volonté ».

La poète a ici ce sens profond de « sauter la matrice cosmique/ en quête/ d’échouages d’anges ».

Il y a quelque chose d’une veille perpétuelle dans ces mots où « il se murmure/ qu’on va fermer la boutique des obscurités ».

C’est très certainement une manière de se saisir de l’écho de la profondeur d’être et aussi en partage de sève (comme on devient « frère de sang »), la vie se faisant progressive dans l’évolution du recueil, avec une sorte de crépuscule décrit en évolution : « alors la nuit couche son bec/ dans l’herbe/ sa nuque requiert/ du moindre/ la rose/ et le mystère ».

Constat amer : « on meurt trop facilement/ on meurt pour ne rien dire » : rappelant le charnier historique, l’auteur ne s’en remet que difficilement.

A se poser des questions sur son discours, la poète anticipe : « je n’ai rien d’autre/ à vous dire/ que le verbe qui s’écaille/ dans ma main de labeur ».

Observation, silence, chant alternent ainsi « dans le creux d’un sifflet » où « l’air goupille son tremblé puis/ rare s’étiole ».

Finit par éclore une sorte de naissance à travers une maternité attentive y compris à la peur, après avoir soustrait l’espoir aux ténèbres (« nous soustrayons l’espoir à nos ténèbres »).

Avec l’enchevêtrement des saisons, le questionnement subsiste avec autant d’infini que d’incertitude entre croyance non évoquée directement et nature sans concession apparente car « l’hiver… ne lace que/ la fragilité/où nous nous retenons/ de disparaître totalement/ par-dessous les saisons ».

Le style est très particulier forçant le rythme dans ses fissures de manière à se servir des gerçures de mots, d’autant qu’un non-dit évident reste ainsi suspendu sur son fil de corde à linges de mots tranchant l’ombre pour qu’un soleil réchauffe les idées suspendues comme on laisserait sécher au vent une sorte d’oubli inexpliqué avec cet écho qui reste lancinant : « je n’ai rien d’autre/ à vous dire/que le verbe qui s’écaille/ dans ma main de labeur ».

Et, en effet, c’est déjà beaucoup !

 

Patrick Devaux

 


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A propos de l'écrivain

Florence Noël

 

Florence Noël, née à Ciney en 1973, a publié des poèmes, des nouvelles en revues et en anthologies. Elle collabore aussi avec des artistes dont Pierre Gaudu, peintre et photographe, qui a accompagné les textes de Chardons en 2011. À ce jour, elle a signé deux livres de poésie, Pavane pour une nebbia (Encres vives, 2015) et l’Étrangère (Bleu d’encre, 2017), illustré par Sylvie Durbec avec qui elle a collaboré pour le recueil numérique Vu des couloirs scéniques (revue Ce qui reste, 2016).

 

A propos du rédacteur

Patrick Devaux

 

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Patrick Devaux est né en Belgique sur la frontière avec la France, habite Rixensart, auteur d’une trentaine d’ouvrages auprès d’éditeurs divers en poésie, quelques prix d’édition, 3 romans parus dont 2 aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune; 2 recueils de poésie récents (2016 et 2017) parus aux éditions Le Coudrier ; membre de l’AEB (association des écrivains Belges) et de l’AREAW (association royale des écrivains et artistes de Wallonie), il a aussi de nombreux contacts en France ; il anime une rubrique « mes lectures » sur le site de la revue Vocatif www.moniqueannemarta.fr de Nice depuis 2013 et fréquente de près ou de loin les écrivains du groupe de l’Ecritoire d’Estieugues de Cours la Ville  et de l’association LITTERALES de Brest ; publie aussi dans diverses revues de poésie. Fréquente aussi les réseaux sociaux, faisant ainsi connaitre la poésie d’auteurs moins connus ou disparus.