Sollers en peinture, Olivier Rachet (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Sollers en peinture, mars 2019, 220 pages, 21 €
Ecrivain(s): Olivier Rachet Edition: TinbadOlivier Rachet : « dialogue » avec Sollers.
Olivier Rachet donne au Sollers, critique d’art, esthète, écrivain (forcément) et homme de « goût » (mot clé pour le sujet et pour l’auteur de Paradis lui-même), le premier essai consacré à la peinture dans son œuvre.
L’analyste ne s’est pas contenté des multiples articles en revue (les siennes, Tel Quel, L’infini, ou celles des autres, et dans la presse dont Le Monde entre autres) : il s’est frotté tout autant aux textes de « fiction » dans un texte où tout est dit des partis-pris jouissifs comme des « crucifixions » de Sollers qui au besoin pourrait se déguiser en soldat roman face à certains crétins.
Par ailleurs, il propose parfois une forme de dialogue à la fois critique et autocritique dans lequel il s’amuse. L’auteur et son modèle s’interpellent : page 184, par exemple, l’un reproche à l’autre d’être allé « baiser la mule du pape Jean-Paul II ». Et l’accusé de répondre de manière apocryphe : « que l’on puisse sortir indemne de l’enfer et de la damnation en rayonnant en peinture, vous agacez terriblement ».
C’est là une des astuces de Rachet pour souligner le jésuitisme jovial du Bordelais, qui sait toujours caresser la tangente plutôt que de la prendre afin de répondre en libertin et libertaire madré.
Le livre permet ainsi, de la Renaissance Italienne à Rothko et Bacon (mais ce ne sont là que quelques exemples) de produire cette superbe contre-histoire dont le style épouse celui de Sollers sans chercher à le copier.
S’évalue ainsi la catégorie de « sublime » auquel Sollers accorde ses grâces (non pontificales mais peut-être pas loin). Il reste le passeur d’un art où l’éros et la peinture font bon ménage, même si l’amant Thanatos à la triste figure n’est jamais loin.
Néanmoins Sollers demeure par essence mozartien. L’embarquement pour Cythère est toujours préféré à la traversée de l’Achéron dont on ne revient jamais mais dont les œuvres d’art troublent le fond pour peu que les œuvres soient, comme l’écrit l’auteur, « indéfendables ».
Jean-Paul Gavard-Perret
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