Sexe, Mort et Pêche à la mouche, John Gierach
Sexe, Mort et Pêche à la mouche (Sex, Death and Fly Fishing) traduction de l’américain Jacques Mailhos novembre 2014. 306 p. 23,80 €
Ecrivain(s): John Gierach Edition: Gallmeister
Qu’on ne s’y trompe pas : la pêche à la mouche oui. Le sexe et la mort point. Ou plutôt, là, il ne s’agit que de la reproduction et de la mort des espèces vivant dans ou au bord des rivières et des lacs. Si vous n’êtes pas trop décus par cette nouvelle, alors lisez ce délicieux recueil de récits !
Que les Américains soient friands de storytelling, tout le monde lettré le sait. Mais Gierach s’inscrit dans une tradition de raconteurs moins connue et pourtant fournie aux USA : les « fishing stories ». La pêche, au pays des chantres de la mère Nature, est une activité qui n’a que peu à voir avec la pêche en notre vieille France. C’est un sport à part entière, une passion dévorante, une sorte de religion pour certains. Rappelons-nous l’incipit inoubliable de « au milieu coule une rivière » de Norman McLean : « Dans notre famille, nous ne faisions pas clairement le partage entre la religion et la pêche à la mouche».
Pour John Gierach c’est à la fois une religion et un métier. Pas le métier de pêcheur, mais d’écrivain/journaliste de pêche. Et ce livre nous emmène sur les bords des rivières – grandes et petites – été et hiver – avec une idée fixe en tête : Trouver la bonne mouche pour le bon poisson à la bonne heure ! Car, comme pour McLean, Brautigan, Bass, Harrison et tous les autres, il n’y a qu’une façon de pêcher : à la mouche ! Quand on posait la question à Richard Brautigan de savoir quelles étaient ses méthodes de pêche, il répondait : « Pourquoi ? Y’en a plusieurs ? »
Gierach nous raconte donc ses rivières et ses lacs, ses truites, ses ombres et ses black-bass. C’est un délice de chaque page que de se laisser emmener dans la poésie des arcanes halieutiques, des noms de mouches artificielles, des oiseaux, des couleurs et du ciel. Car Gierach, comme un vrai pêcheur à la mouche, est d’abord un amoureux éperdu de la nature, de ses miracles – comme la pluie d’éphémères ou de phalènes qui tombe parfois sur les cours d’eau – de ses surprises bonnes et mauvaises. Une nature que les pêcheurs ne regardent pas en contemplatifs mais – dans leur élan prédateur – comme des enfants regardent leur mère nourricière. Même quand le pêcheur ne jette qu’un œil rapide sur l’objet de ses rêves :
« L’Ouest regorge de ce genre de rivières que vous repérez sur les cartes et que vous traversez sur des petits ponts en béton à deux voies. Des rivières à truites génériques qui ne disparaissent que trop vite dans votre rétroviseur.
Il n’y a pas d’histoires de pêche sans humour. Ou alors, on s’ennuie à mourir. Les personnages que rencontre John Gierach sont des figures habituelles des bords de rivières, c’est-à-dire des hommes (presque toujours mais pas que) qui ont acquis l’humour des vrais pêcheurs, celui qui est fait de patience, de distance, de modestie et d’autodérision. C’est là l’objet réel des récits de Gierach, non pas la pêche mais les hommes qui pêchent.
« La dernière référence littéraire que j’aie lue à leur sujet (des éphémères. NDR) se trouvait dans un vieux dessin de « Playboy » montrant un jeune éphémère dragueur disant à la belle petite éphémère sur laquelle il avait des vues : « Comment ça, ‘pas le premier soir’ !? »
Encore une, pour le plaisir :
« Et, comme me l’a dit un jour un célèbre (et authentique) expert en pêche à la mouche : »Fais vraiment gaffe à ce que tu dis, parce qu’on risque de te croire. Si tu dis que tu prends plus de truites quand tu pêches la bite à l’air, tu peux être sur que quelqu’un essaiera. »
Bonheur des parfums, des couleurs irisées, des ciels immenses, des eaux claires. Comment ne pas – au passage – saluer le paradis des pêcheurs et des écrivains ? Des écrivains pêcheurs ? Le Montana bien sûr !
« La région du Montana est comme une vraie planète : plus vous en êtes proche, plus elle vous attire. »
Plongez sans hésiter dans les eaux de John Gierach !
Leon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
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VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
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