Sève noire pour voix blanches, Jean-Louis Bernard (par Parme Ceriset)
Sève noire pour voix blanches, éditions Alcyone, octobre 2021, 59 pages, 17 €
Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard
Dans ce recueil, Jean-Louis Bernard nous invite à appréhender le réel à travers un jaillissement poétique de noir et de blanc. Ensemble, noir et blanc tissent le monde en lui apportant respectivement le vide et la matière, le mystère et l’évidence. Ils ne sont pas dans l’opposition mais plutôt dans une forme d’union sacrée immanente et permanente. De la « blanche ténèbre » à « la nuit de craie », on perçoit, dans le souffle des mots, le crépuscule qui « émiette sa clarté ». On se laisse envahir par l’atmosphère envoûtante qui s’installe au fil des pages, « entre les orties noires / et la blancheur des heures ».
Bientôt, on en devient presque un simple éclat d’encre, une « blanche / paraphe » ou une goutte « noire / flambée d’un écho ». On avance dans la pleine lucidité, conscients d’être amenés tôt ou tard à rejoindre ces « yeux des dormants », et déjà on sent dans nos pupilles ce « noir / révulsé de lumière ».
Le poète nous accompagne dans ce « travail d’absence », dans cette « fêlure noire / signe de cristal ». Ainsi sommes-nous de passage, comme la chouette traçant « un songe / vol tranquille / et blanc », puis versant « une larme de verre / sur le mystère de l’obscur ». Nous nous fondons humblement, tel un « flocon noir », au « creuset des soleils », aux « nuits battues en neige », au ruissellement de la « sève noire / pour voix blanches ». De nos vies, il ne restera que la « trace épuisée / d’une morsure », qu’un « coulis de ténèbres / dans l’agonie du jour ».
Un aspect intéressant de ce recueil est le rôle joué par le noir et le blanc au sein du langage, de l’inconscient humain, leur façon de structurer notre perception des choses. Le blanc est ouvrier du temps et de la mort, « vertige vivace de la perte », de l’effacement des empreintes : « des flocons de fièvre / neigent sur mes traces », « L’enfance / neige sa mémoire / sur des pages d’argile ». Le noir participe aussi aux disparitions, ce « vent noir », « secret de la mort ». Il y a un questionnement perpétuel du vide et de l’absence, de la mémoire et de l’oubli : « Sur les registres d’absence / parvient-on / à peindre l’air / quand on est soi-même / absence ».
Il y a pourtant, semble-t-il, dans cette poésie de l’éveil, l’étrange et intime conviction que « ce qui est écrit sur l’eau survit aux stèles », une sorte de continuité dans laquelle la parole fait sens. Et c’est bien cette parole qui nous relie à la « source blanche du monde », au « sang clair / des origines ». Et pour la percevoir, il nous suffit, comme le dit Jean-Louis Bernard, de nous tenir « là / en échappée blanche / hors champ ».
Parme Ceriset
Jean-Louis Bernard est né en 1947 à Biarritz. Retraité de la fonction publique territoriale, il vit à Grenoble depuis 1975. Il a publié depuis 1985 une trentaine de recueils et des textes dans de nombreuses revues.
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