Septembre ! Septembre !, Emmanuelle Maffesoli, Clément Bosqué
Septembre ! Septembre !, 12 septembre 2013, 262 pages, 19 €
Ecrivain(s): Emmanuelle Maffesoli, Clément Bosqué Edition: Léo Scheer
Un premier roman ; un Léo Scheer-éditeur souvent inspiré ; un titre et ses deux points d’exclamation comme une scansion un peu étrange ; cela suffit peut-être au cœur de l’été pour tenter le voyage… et pour en ressortir tout simplement heureux, ce petit livre restant en mémoire comme une promesse de qualité pour le Septembre littéraire à venir…
Ils sont deux auteurs – mystère de leurs pattes respectives… – pour un seul petit fleuve de pages qui, fièrement, ne ressemble à – presque – rien d’autre. Court et riche ; couleurs qu’on imagine entre vert et gris – la Seine, probablement ; récit à la fois tonique et murmurant ; quelques forts personnages jouant au bord… une balade des « jeunes du temps actuel », osons ! L’écriture est maîtrisée, juste classique ce qu’il faut ; elle sert cette petite histoire à merveille comme une petite sonate ciselée.
Paris – belle escapade qui ravira ceux qui l’aiment, de la Grande Bibliothèque aux quais de Seine ; la place de la Nation à contre-jour ; Notre-Dame en fond d’écran ; rues, échoppes, quartiers… huit clos d’appartements à peine boboïsés : « il avait envie, très envie de couvrir de son allure, comme un loup son enclos, ce territoire large, cet enchevêtrement de gris d’huitre et de jaune d’œuf qu’est Paris… ».
On accompagne un Pierre des plus attachants, documentaliste à Radio France, une Rebecca qui traîne après elle un petit quelque chose de L’écume des jours ; subtil mais présent ; un curieux farfadet mâtiné d’inquiétant appelé Dan… le rêve lointain d’une Josepha, perdue de vue à peine aperçue, comme souvent dans les métropoles ; un cerf-volant perché en haut des pages. Pas grand-chose de plus, et, pourtant, tant de choses : l’atmosphère du début du quinquennat actuel et la fin pesante de l’autre : « moi, Hollande, je l’ai touché ! Il m’a serré la main… c’était pénible toutes les vieilles qui se pressaient pour le voir… et son discours, c’était bien, c’était sobre… ». La réalité fine et précise de la grande maison ; le matin, tôt : « le donjon où s’entassaient les masses de journalistes désœuvrés, qui attendaient que Dieu daigne leur jeter un bout, même rassis, même réchauffé d’évènement… » lignes féroces ! Comme ces débats auscultant l’intellectuel, animés par le journaliste vedette et sa cour ; quelques pages à ne pas manquer, dont la clef certes manque mais dont la quête est si délicieuse :« aux journalistes de peu d’importance, il était accordé quelques minutes de parole, tandis que les notables du lieu avaient des boulevards… ils avaient une préférence pour les invités qui proposaient des théories englobantes, efficaces, américaines, des théories béton qu’on pouvait entrechoquer les unes aux autres » ; faites vos choix !
Et puis, le monde de l’édition des magazines ; les interview à ficeler ; les fiches de préparation à garnir ; batailles d’égo bruissantes : « ces femmes indépendantes refusaient d’être de simples voix radiophoniques ; elles portaient l’information… à la place des paniers à linge ou des cruches pleines d’eau sur leurs têtes… » quand on vous dit : féroce !
Passent aussi – ce n’est pas le moindre charme de ce livre à part – des sonorités des Illusions perdues ; Pierre, « ce type de jeune provincial dégingandé, qu’un rien fascine », un autre Rastignac ? on se prend à sourire, quoique… « – ça vous plaît toujours Paris ? – oh ! Et bien… fit Pierre ».
Et, surtout, d’un naturel criant, couchés par la plume experte, mine de rien valant tous les documentaires, il y a ces bruits de Paris, uniques – on pourrait, comme en musique, dire captés au millimètre près ; une ambiance à la fois juste et presque onirique : un très bon livre tout simplement :« Faubourg Saint Antoine. Le soleil y pénétrait à plein, comme de grands taureaux d’or, qui, un jour de féria lumineuse dévalent leur circuit ; les clients assis aux terrasses les excitaient avec les banderilles glacées qu’ils avaient en main, leurs bières, leurs limonades, attendant tous quelqu’un, attendant d’être servis, attendant un appel, impatients… ».
Martine L Petauton
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