Seins et œufs, Mieko Kawakami
Seins et œufs, traduit du japonais par Patrick Honnoré, mars 2014, 108 pages, 6,50 €
Ecrivain(s): Mieko Kawakami Edition: Babel (Actes Sud)
Les touche-à-tout exaspèrent. Elle est japonaise. Diplômée de philo. Musicienne. Actrice. Romancière. Poète. Et d’autant plus exaspérante qu’elle a la beauté griffante des héroïnes futuristes d’un Enki Bilal. Seins et œufs (Chichi to Ran), son premier roman traduit en français, et qui lui avait valu le prestigieux prix Akutagawa à sa sortie, en 2007, vient de ressortir dans la collection de poche Babel. Mieko Kawakami nous ferait vraiment tout gober.
Les seins, ce sont ceux de Makiko, qui rêve, du haut de ses quarante ans, de se les faire refaire, dans cette clinique de la ville d’Osaka où elle se rend avec sa fille de douze ans, Midoriko. Installées dans le petit appartement de Natsu, la jeune sœur célibataire de Makiko, mère et fille vont partager avec elle leurs embrouilles successives, leurs disputes, leurs incompréhensions devant les questions que posent la féminité de leur corps mutant et les regards bridés de la société nippone contemporaine.
Mais on ne fait pas d’omelette sans casser les pieds. Et tandis que la fille s’enferme dans un silence absolu, refusant de communiquer autrement que par ces petits mots qu’elle griffonne à la hâte, la mère poursuit son fantasme d’opulence sous les yeux de Natsu, qui mêle sa voix de narratrice interne aux pages du journal intime de Midoriko.
On se laisse prendre au jeu de ce court roman acidulé, qui se lit d’une traite, et qui nous plonge le temps de quelques jours, dans la vie de trois femmes de ce séduisant Japon qui n’en finit pas, par ricochet, de nous dérouter.
« D’où ça vient, tout ça ? Où ça va ? Aucune idée. Mon corps est là, à flotter, coupé par le cadre du miroir, indistinctement, éternellement là ».
Frédéric Aribit
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