Sans fin sera la quête, Colette Gibelin
Sans fin sera la quête, éd. Sac à mots, 2016
Ecrivain(s): Colette Gibelin
Le cheminement poétique de Colette Gibelin s’accomplit dans la ferveur d’une quête sans fin. Où l’incandescence des mots embrase avec contenue les « balbutiements du vivre » et brûle d’une émotion retenue les fêlures de la vie, où la poète cherche « un surplus d’être ». Un supplément de flamme. Les titres de chaque partie expriment la quête inlassable de nos désirs turbulents, équilibristes fragiles, le vide au-dessus, du vide sous les pas chancelants de nos errances – « Grands chasseurs d’éternel », « Par-delà toute nuit », « Quel éclat perfore le noir ? », « Toute splendeur éclate ».
« Grands chasseurs d’éternel,
nous transitons
À travers l’éclat fragile des genêts
l’éblouissant miracle des cerises,
nous transitons
Vers d’autres paysages
et des brûlures plus nouvelles
Torturés d’infini,
nous transitons à travers
nos constructions les plus durables
Mais nos regards fixés sur des horizons sans limites
ne rencontrent peut-être
que nos prisons intérieures »
La poésie de Colette Gibelin s’inscrit au cœur de nos espaces de vie, déchirés, brûlés, blessés, et sa force est de celle de « l’ombre qui flamboie » et du scintillement d’une bougie plus fervente que nos émois. Si nos prisons, nos fissures sont intérieures, l’extérieur lui nous engloutit de ses « sons ruisselants / d’odeurs effervescentes », nous fait toupie « dans des crissements de lumière, / proies vivantes / pour des émotions carnassières ». La submersion et la saturation nous immergent toujours un peu plus, frêles esquifs dérivant.
« Nos sens résonnent de mille brûlures,
caresses, messages
Le monde extérieur nous pénètre
par chaque pore de notre peau
jusqu’à saturation
Nous sommes fissures
ouvertes aux naufrages
Et nous ne parvenons à retrouver
en nous
ce centre inaltérable
par lequel nous pourrions à notre tour
envahir l’univers ».
Mais notre quête reste inaltérable, et nos démons, de mauvais assaillants contre lesquels nous nous dressons durablement pour que ne s’abatte sur nous la forteresse du vide, habités que nous sommes et restons par la ferveur de vivre.
« Nous dérivons,
passants énigmatiques,
cherchant, toujours,
cherchant, têtus,
une autre incandescence ».
C’est cela, la poésie fervente de Colette Gibelin : le cri d’une traversée féline dans les soubresauts du temps et la quiétude recherchée, dont les feulements hurlent la douleur pour qu’elle s’achève ; dont les ronronnements rauques se tiennent à l’affût du vivre, prêts de bondir à chaque rebondissement du risque, du « feu d’être » et du « rugueux de la vie » pour faire face et non s’en effrayer, pour que chaque passant énigmatique que nous sommes « ose vivre / dans les éclats de l’éphémère », dans les ratures du temps où l’on trébuche ; dont les ronronnements sereins aussi parfois s’accordent à l’instant sauvage où se sentir apaisé, où « sur les débris d’hier, / les mots retrouvent leur fraîcheur / tracent les routes nouvelles /jonchées de feuilles et des pétales pourpres / de l’azalée perdue ».
Vertige d’être, la poésie de Colette Gibelin en transmet le flambeau…
Murielle Compère-Demarcy
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