Saisons régulières, Roland Tixier
Saisons régulières, juillet 2014, 69 p. 12 €
Ecrivain(s): Roland Tixier Edition: Le pont du change
La Cause Littéraire a déjà eu le plaisir de recenser deux autres opus de Roland Tixier ; celui qui marche dans la ville en poétisant, si joliment, comme si de rien n’était. Deux bijoux : Le passant de Vaulx-en-Velin et Chaque fois l’Éternité*.
Ce petit livret-là n’échappe pas à la règle. Un bonheur pour jours ordinaires où ça va pas toujours fort. Un remède de poète pour mal-être peu bruyant de chacun, là, dans la société du bas des villes.
Des tercets de tous les jours, qu’on s’approprie, familiers, mais, que personne au bout ne saurait écrire comme Tixier, lui, le sait. C’est ce qui fait le précieux de la chose : de l’ordinaire, du banal, en paquet-cadeau – royal.
De tout petits vers de ville – celle de tout le monde, ni touristique, ni extraordinaire, où marche celui qui parle ; regarde, sent, sourit ou mélancolise. D’un bout de l’an à l’autre, en ce climat plutôt médium de ces régions peri-lyonnaises où se pose le recueil. Des Haïkus – on pense forcément à cette versification japonaise donnant le ressenti des saisons – mais cuisinés à la manière d’ici, avec cette robustesse lyonnaise, et ce goûteux, les pieds sur terre.
« Le temps serait cet enfant
En équilibre sur deux roues
Se relançant en danseuse »
Du simple, du vrai, des gens…
La ville, de saison printanière en chaleur de l’été ; l’automne et les platanes des écoles ; la pluie, la neige… balade délicieuse qu’on aimerait chantonner demain, dans nos villes à nous. Comptines, à leur façon :
« au dehors neige drue
mais le parfum consolant
du thé à la cannelle ».
Mais, la ville d’aujourd’hui et ses marqueurs sociétaux, comme on dit aux infos ; sérieux glissé mine de rien :
« murs d’enceinte de l’usine
le temps tarde à effacer
les slogans de la colère »
Et puis l’âge du bonhomme ; le nôtre ; miroir si juste d’émotion : « la faiblesse de nos corps », la mère partie, le souvenir du père, l’enfance loin… comme léger refrain, de ci, de là, des aïeules « grands-mères de porcelaine ». Quelque chose de chansons anciennes qui nous reviennent ; ce qui passe par ces saisons régulières et immuables. Les deux façons du temps de la vie ; celui qui bouge, celui qui fait semblant d’être immobile. Balancement des tercets de tout l’opus ; sa musique ! Mélancolie ou nostalgie ? Jeunesse, aussi, évidemment : les bambins, les bus et l’uniforme noir des filles d’aujourd’hui… et la mort, si peu abordée, mais, si naturelle.
Choisir ? de ces poèmes-chansons, discrets, dans la poche ou un coin de notre mémoire.
Peut-être celui-ci, qui dit tout et le reste ; comme un sous-titre à ce petit livre si précieux :
« Le temps suit sa courbe
maintenant tu préfères
les trottoirs au soleil »
Martine L Petauton
* : Articles sur ces deux œuvres :
http://www.lacauselitteraire.fr/chaque-fois-l-eternite-roland-tixier
http://www.lacauselitteraire.fr/le-passant-de-vaulx-en-velin-roland-tixier
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