Saison nocturne, Journal poétique sur l’écriture créative, Manon Aline (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)
Saison nocturne, Journal poétique sur l’écriture créative, Aline Manon, L’Harmattan, mars 2024, 88 pages, 13 €
Edition: L'Harmattan« Breuvage
Il n’y a rien de tel que le goût retrouvé
De la créativité
Petit poison sucré
D’un invincible désir »
Et si vous décidiez dès demain de vous offrir un carnet Moleskine ou ceux en trompe-l’œil avec des titres de romans célèbres pour créer un journal intime poétique et renouer avec votre soi créatif. Ecrire juste pour vous, pour vous surprendre, recréer un espace intime du « goût retrouvé ». C’est ce que propose Manon Aline dans sa Saison nocturne, un voyage court mais précieux sur l’art de recréer sa vie avec la poésie. N’est-ce pas le plus beau voyage que l’on peut offrir à son âme d’enfant ?
Ce livre vous permet de prendre conscience que l’on peut écrire de la poésie, de façon purement égoïste, que pour soi-même. Même si certains écrits peuvent conduire à une esthétique altruiste que l’on peut parfois extraire de son intimité et partager. La clé : « accepter que certains poèmes soient moins bons que d’autres ». « Ne pas se préoccuper du format ou des contraintes ». « Faire preuve de bienveillance ». En somme, un peu le contraire de ce qui est enseigné dans le système scolaire. Car la poésie est tout sauf scolaire. Elle est solaire.
L’auteure reconnaît qu’elle a perdu du temps sur le plan de la création, elle a trop longtemps méprisé l’inspiration poétique. « Je ne l’ai pas écoutée, j’ai fait comme si elle n’existait pas. Pourtant, elle était toujours là, d’une manière ou d’une autre ». Elle pensait que pour exister il fallait grandir, écrire de la critique, « des choses profondes ». Mais la poésie n’est-elle pas au fond, ce qu’il y a de plus profond ? Loin des hiérarchies et des normes ?
« Je reviens bien d’un voyage. Et la route était longue. Harassante. Alors aujourd’hui, habitée par une petite flamme créative que je me jure de garder allumée, je me lance dans ce maigre et insignifiant projet qui consiste à écrire de la poésie ».
Il faut savoir garder un espace libre sans culpabiliser. A quoi servent les complexes vis-à-vis des poètes capables de jouer avec différents formats et qui maîtrisent parfaitement les rouages du langage ? Sans raideur, laisser les mots se former, oublier la forme, succomber à la « rêverie maladive », cette « force invisible » qui invite à prendre la plume en dépit des circonstances externes et hostiles.
Ce qui importe dans ces saisons d’écriture est d’écrire pour développer sa créativité, tout en observant les conséquences de ces écrits sur sa psyché. Renouer avec la fantaisie de la vie, cueillir les fleurs avant qu’elles ne se fanent. On écrit aussi pour ne pas déranger le monde, contrairement à ceux qui n’écrivent qu’en vue d’être publié, de déranger, attirer les regards à soi. Juste saisir des « secrets de l’été qui s’éloignent en riant ». C’est difficile de trouver le temps d’écrire en cachette tant les « ronces du réel » nous rongent. De se créer un imaginaire dans les chemins tortueux de son inconscient. Pourtant, emprunter des itinéraires différents nous aide à retrouver calme et sérénité. Se détacher du réel pour nourrir cet espace où la vie intérieure devient tangible. Ecrire, c’est aussi une façon de « reprendre le pouvoir sur sa propre intériorité ».
L’auteure, au fur et mesure de ses pérégrinations poétiques, réalise que son écriture poétique « n’est qu’un refuge hors du monde, symptôme de son caractère insupportable ». Savoir saisir son stylo sans obligation aucune, pour célébrer l’écriture de l’intime, chercher cette « lune bleue » enfouie dans les profondeurs et créer une « saison solaire ».
Ce journal poétique est un plaidoyer pour la créativité de l’intime, une créativité sobre, cependant. Celle qui nous offre la possibilité de vivre le monde autrement, sans déranger personne.
« À toi, lecteur, de créer ta propre saison. Cet espace pour écrire à ton rythme et selon tes désirs ainsi que pour prendre le temps de penser ton rapport à la créativité. Vers, prose, poème, récit… ». Peu importe la forme, pourvu qu’elle donne de l’élan !
Marjorie Rafécas-Poeydomenge
Manon Aline a un doctorat en littérature comparée et n’a de cesse depuis sa licence en lettres d’essayer de comprendre le fonctionnement de la création littéraire, tout en pratiquant l’écriture créative. Il s’agit là de son premier ouvrage poétique.
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