Sagesse animale, Norin Chai (par Cathy Garcia)
Sagesse animale, mars 2018, 270 pages, 19,50 €
Ecrivain(s): Norin Chai Edition: StockCe livre est un témoignage personnel, celui de Norin Chai, un vétérinaire ayant pas mal travaillé à l’étranger avant de devenir le vétérinaire en chef de la Ménagerie du Jardin des Plantes, ce terme de ménagerie a d’ailleurs une résonance bien obsolète et bien éloignée de la façon dont Norin Chai aborde son travail. Il voue un véritable amour aux animaux et ce n’est pas juste une façon de parler, mais bien d’un amour au sens le plus élevé du terme, ce qui lui a permis de s’ouvrir à cette sagesse animale dont il est question dans ce livre. Ce n’est pas sans rapport avec sa pratique bouddhiste : né au Cambodge, cette pratique le rapproche également de ses racines tout en nourrissant sa conviction que le vivant est sacré, sacré au sens le plus simple du terme. Ce qui est sacré provoque en nous de la joie, de l’émerveillement, de l’humilité et donc du respect, il n’y a plus de hiérarchie, la vie est la vie quelle que soit sa forme et elle ne peut qu’être respectée et protégée.
Ce témoignage d’un professionnel qui consacre sa vie à comprendre et soigner les animaux, à prendre soin de leur bien-être et pas seulement sur un plan purement physique, fait écho au Plaidoyer pour les animaux de Matthieu Ricard, qui est cité entre autres sources recensées en fin de livre, ouvrant d’autres pistes à une compréhension plus juste, plus sensible, plus intelligente et donc plus humaine – au sens le plus élevé du terme – de notre rapport aux animaux et de notre responsabilité vis-à-vis de tout le vivant, y compris donc vis-à-vis de nous-mêmes.
Nous vivons au pays de Descartes. Descartes et sa thèse de l’Animal-machine, juste un assemblage de pièces et rouages, dénués de conscience ou de pensée, thèsequi aujourd’hui pourrait paraître totalement dépassée, ridicule même, mais en sommes-nous vraiment sortis de cette vision purement mécaniste du XVIesiècle ? Pas sûr quand on examine en toute conscience l’industrialisation de l’élevage et l’exploitation animale sous toutes ses formes – qui n’est pas sans lien avec l’exploitation de l’humain par l’humain – et « Il a quand même fallu attendre le 28 janvier 2015 pour que notre Parlement considère les animaux comme des “êtres vivants doués de sensibilité” ».
C’est donc une très bonne chose que ce livre, surtout quand il est écrit par un vétérinaire qui a aussi un impact médiatique, puisque il co-anime également une émission sur France 2 : Pouvoirs extraordinaires des animaux, et on sait à quel point les idées sont plus massivement intégrées quand elles sont vues à la télé…
Ceci dit, ce livre n’a pas la prétention d’être plus que ce qu’il est, ce n’est pas un ouvrage technique spécialisé mais un témoignage personnel et engagé qui se lit facilement, avec plein de petites anecdotes tirées de l’expérience directe de l’auteur et qui est lié à sa propre quête de sagesse. Ce témoignage bouscule les idées reçues, les préjugés – notamment à propos de l’homosexualité que trop encore considèrent comme « contre-nature » – et nous ouvre à un questionnement plus profond sur notre rapport au vivant, un questionnement essentiel qui détermine notre propre évolution en tant qu’humain ou notre propre déclin – et pas seulement sur un plan moral – si nous ne sommes pas capables d’en saisir l’urgence.
Divisé en plusieurs chapitres (la morale, la politique, la science, la métaphysique des animaux, en passant par les animaux médecins…), l’ouvrage permet de comprendre comment les animaux peuvent nous rendre plus humains. Le dernier chapitre s’intitule : L’homme, un animal en quête de bonheur.
Alors, qu’est-ce qu’on attend pour renouer avec nous-mêmes ?
Cathy Garcia
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