Roland Barthes, Au fil du temps, Patrick Mauriès (par Philippe Leuckx)
Roland Barthes, Au fil du temps, Patrick Mauriès, février 2020, 96 pages, 9 €
Edition: Arléa
Quand Mauriès ressuscite Barthes… chez Arléa
Les années 70 furent les années liées à tout jamais à la nouvelle critique, à l’épanouissement d’une nouvelle linguistique (Barthes, Lévi-Strauss, Todorov…), à la découverte des analyses structuralistes et lacaniennes, de la sémiotique textuelle (d’un côté, Jakobson, de l’autre Lacan, Ginette Michaud (FR), Ginette Michaux (BE)). Un ouvrage, parmi tous, compta : le fameux S/Z de Barthes et ses fameux décodages !
La critique traditionnelle, lansonienne, picardienne prenait du plomb dans l’aile et il devenait vain de croire qu’on pouvait épuiser les significations d’un texte par les seules références biographiques ou thématiques.
Un seul, un grand, échappait à cette polémique (qui dura fin années soixante/début des années 70) : Bachelard, phénoménologue littéraire hors pair : son imaginaire poétique, sa méthode des quatre éléments passés au crible du regard du philosophe rationaliste éblouissaient.
Mais ce fut le règne de Barthes et un engouement (tel que celui en anthropologie sociale de Foucault ou en ethnologie de Lévi-Strauss ou encore de Genette, proustien de « Figures III ») des étudiants, du monde critique et littéraire. Depuis 1953, il avait radiographié les usages de la langue, les « mythologies » sociétales ou autres codes orientaux ou pas.
Cette introduction un peu longue pour vous dire l’intérêt de rééditer les essais de Mauriès, à l’adresse de son « maître à penser », professeur et ami.
Patrick Mauriès, né en 1952, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages (récits, études, essais, travaux sémiotiques à la Noguez, etc.), éditeur (Quai Voltaire), est un spécialiste d’écrivains (Cocteau, Vilmorin), d’artistes (Boldini), des « cafés italiens » (sémiologie des lieux littéraires), édité chez Gallimard, au Promeneur et ailleurs, raconte « Au fil du temps » et en plusieurs mouvements (1992-2002-2019) son « Roland Barthes », adulé par ce jeune étudiant qui, fougueux, envoya au maître une lettre, le rencontra en vrai lors d’un séminaire (rue de Tournon) et une amitié naquit.
Mauriès, en une langue superbe de précision « ethnographique » relate les usages de l’époque : les « fringues » pas possibles que les jeunes d’alors portaient, comme les chaussures compensées, très hautes ou le goût immodéré pour tout ce qui était oriental, foulards et patchouli !
La topographie du Paris de Barthes, circonscrite entre Saint-Sulpice et la rue Sainte-Anne, comprend, dans la lecture d’un « temps » proprement barthésien, des garçonnières, cafés, autour des « promenades nocturnes », « entre les rues de Saint-Germain et celles du quartier de l’Opéra ».
À l’âge de Barthes, aujourd’hui, et même le dépassant, Mauriès sait trop bien que l’époque que nous vivons est bien loin de celle que Barthes a traversée, cet âge de l’intelligence, « ce refus » chez lui de « toute forme de pathos ».
Ce petit livre rend vérité et poids à un maître à penser qui a réussi – c’est la clef d’une vie intellectuelle – à « infléchir le cours de ma vie », nous dit, en clôture du texte de 2019, l’excellent Mauriès.
Philippe Leuckx
Patrick Mauriès (de la génération des Visage, de Ceccatty, Quignard, Schifano), né en 1952, est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages : Second manifeste camp (1979), Roland Barthes (1992), Quelques cafés italiens (2001), etc.
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A propos du rédacteur
Philippe Leuckx
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Philippe Leuckx est un écrivain et critique belge né à Havay (Hainaut) le 22 décembre 1955.
Rédacteur
Domaines de prédilection : littérature française, italienne, portugaise, japonaise
Genres : romans, poésie, essai
Editeurs : La Table Ronde, Gallimard, Actes sud, Albin Michel, Seuil, Cherche midi, ...