Rock en France, de 1976 à nos jours, Grégory Vieau (par Guy Donikian)
Rock en France, de 1976 à nos jours, Grégory Vieau, éd. Le Mot et le Reste, mai 2023, 280 pages, 23 €
Edition: Le Mot et le ResteLe 21 aout 1976, un certain Marc Zermati « organise la première messe punk de l’histoire à Mont de Marsan dans les Landes », avec des groupes anglais comme les Damned, ou encore Eddie and the Hot Rods, mais aussi français tels Bijou pour Paris et Little Bob Story du Havre. D’autres festivals suivirent où se produisirent à Londres les Français de Stinky Toys et Jacno aux côtés des Sex Pistols ou des Buzzcocks, pour ne citer qu’eux. C’est dire qu’en France, la vague punk et plus généralement rock a eu ses représentants, même si l’impact de ces groupes reste mineur dans ces années 70.
Le livre que signe Grégory Vieau propose donc de contextualiser un mouvement qui ne fut pas sans conséquence sur la scène musicale rock française, et sur la scène musicale française tout court, et de répertorier tous ces groupes dont seulement quelques-uns se produisent encore, et ce à partir de 1976 pour deux raisons : un livre a été consacré à la période précédente écrit en 2008 par Eris Deshayes et Dominique Grimaud, intitulé L’Underground musical en France, édité chez Le Mot et le Reste, et comme le montre ce festival de Mont de Marsan, c’est le moment de la déferlante punk en Europe. L’ouvrage est cependant majoritairement constitué de la synthèse d’une centaine de disques, à chaque groupe ou chanteur une fiche en en rappelant l’histoire et une discographie sélective. Ce festival de Mont de Marsan est le point de départ de l’étude menée dans cet ouvrage, dont le dessein est bien de montrer que la scène rock française a des racines qui, par ailleurs, ne se limitent pas à cette date.
Il pourrait paraître anodin aux yeux des néophytes en la matière de consacrer un livre à un mouvement musical que d’aucuns, suivez mon… stylo, considèrent comme dérisoire, puéril, inutilement bruyant, voire vulgaire. Que nenni, ou alors faut-il considérer que tous les mouvements populaires sont négligeables, que le rock et ses dérivés n’ont aucune valeur, quand bien même ils s’inscrivent dans des mouvements sociaux et économiques particuliers. Mais ce mouvement, ces mouvements devrait-on dire, ont aussi une valeur strictement musicale et les émotions qu’ils ont suscitées et qu’ils suscitent toujours n’en sont pas la moindre qualité.
Cela dit, revenons à la fin des années 70, et à Marc Zermati qui ouvre l’Open Market où se vendent des disques pirates, des affiches, des magazines importés, comme celui de Détroit qui vante un nouvel esprit du rock incarné par les Stooges, MC5, ou encore les New York Dolls, esprit qui veut revenir au son brut, primitif, contrairement aux errements dans lesquels « le rock se fourvoie, un son essentiellement jouissif ». Rappelons que la télévision offre alors une émission consacrée au rock, Pop2, qui accueillera des musiciens comme le Velvet Underground et d’autres, « après s’être bornée au rock progressif ». Il faut croire que les émules seront nombreux, puisque rapidement de nombreux groupes vont se former, certains auront une vie très courte, d’autres en revanche vont sévir sur la durée. Sans oublier que plus de vingt ans auparavant, des Johnny Hallyday ou des Claude Moine, futur Eddy Mitchell, auront commencé une carrière non négligeable… inaugurant un courant que le sociologue Edgar Morin a qualifié de yéyé.
Cependant, l’après 68 n’a pas facilité l’expansion de la culture rock. Entre 1968 et 1974, des festivals sont interdits par le Ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, et le contexte de l’époque met un frein réel à l’industrie du disque qui favoriserait cette musique. Reste que certains vont aller à contre-courant, n’écoutant que leur désir de produire une musique au son brut, énergique, tel Little Bob Story, au Havre, qui feront la première partie de Dr Feelgood, ce qui leur ouvrira quelques portes indispensables. A Lyon, c’est Starshooter qui sera signé par Pathé-Marconi, et Stinky Toys par Vogue. Ces groupes vont ouvrir la route pour les suivants, hérauts d’une contre-culture que l’auteur a eu soin de répertorier. Rappelons des noms comme Marquis de Sade, Orchestre Rouge, La Souris Déglinguée, Bérurier Noir, mais aussi Carte de Séjour, Indochine ou encore Noir Désir… De quoi réagencer notre discothèque.
Guy Donikian
Grégory Vieau est journaliste indépendant. Il est aussi l’auteur d’Une histoire de la presse rock en France, aux éditions Le Mot et le Reste.
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