Revue Harfang N°41, novembre 2012
Le N°41 de la revue Harfang (novembre 2012) est largement consacré aux prix 2012 de la nouvelle. Didier Daeninckx bien sûr, prix Goncourt de la nouvelle cette année. Lunatik, prix inter’halles. Marie Pontacq, prix de la nouvelle de la ville d’Angers (organisé par la revue Harfang) pour son recueil « coup de sang sous les flamboyants ».
Aussi ce N° commence par des entretiens et une nouvelle de chacun des trois.
Dans l’entretien avec Marie Pontacq, cette dernière dit : « un roman c’est encore trop construit, trop mental. » Il y a dans cette réflexion la source et l’identité particulière de la nouvelle, dont on sait, par les plus grands écrivains, qu’elle est un genre à part entière en littérature. Une nouvelle ne peut être que forte, naturelle, évidente. La brièveté oblige évidemment à ce que Freud aurait appelé : déplacement et condensation – concepts que Freud applique au rêve, et il est intéressant de se demander les liens énonciatifs qui existent entre la structure du rêve et celle d’une nouvelle. Morceaux de réel, substitutions symboliques, concentration des signifiants, que de convergences !
La nouvelle est impitoyable en termes de maîtrise de l’écriture. Elle n’autorise aucune approximation, pas la moindre faiblesse. Le roman, même des plus grands auteurs on le sait, est fait de temps forts et de temps faibles. Deux ou trois pages ne le permettent pas. Une nouvelle est un temps fort ou n’est pas ! Lisez « Danko » de Daeninckx, vous saurez de quoi il s’agit !
Pas de place pour la phrase de trop. Une première phrase de « un autre monde » de Christine Balbo :
« Il l’aimait bien, Aleth. Cette fille était sympa, un peu fofolle, mais pas à la manière des nanas du milieu. Les techniciennes, preneuses de son, cadreuses, se la jouaient parfois gothique (…) »
L’économie des moyens narratifs conduit naturellement à l’épure, faisant de la nouvelle un morceau brut de littérature.
Le genre est difficile, d’une exigence absolue. Tout artifice – et c’est malheureusement souvent le cas dans les « nouvelles » d’apprentis écrivains maladroits – est insupportable. On a trop souvent pensé – on le pense encore – que la nouvelle est le stade apprentissage des futurs écrivains. Erreur sidérale. Lisez Raymond Carver par exemple et vous saurez ce qu’il en est. Raymond Carver. Un Américain bien sûr. La France n’a pas su donner de nos jours sa place à la nouvelle, comme elle l’avait fait avec Flaubert, Maupassant, Gracq.
Alors merci à Harfang de cette place éminente rendue à un genre qui le mérite ô combien !
Leon-Marc Levy
Harfang
13 bis avenue Vauban
49000 Angers
www.nouvellesdharfang.blogspot.com
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