Quelques femmes, Mihàlis Ganas (2ème critique)
Quelques femmes, trad. grec Michel Volkovitch (Γυναικών, 2010), 68 p., 10 €
Ecrivain(s): Mihalis Ganas Edition: Quidam Editeur
Voilà un poète et écrivain grec dont on regrette, à peine le livre ouvert, qu’il ne soit pas plus traduit en France. En effet ces quelques portraits ou nouvelles, on ne sait trop, ont un pouvoir de séduction rare, de par leur langue comme de par les images qu’ils convoquent, ou plutôt invoquent. Considéré en terre grecque comme l’une des grandes voix poétiques contemporaines, il faut tout l’art du traducteur pour nous les faire partager, même imparfaitement, même partiellement. Nous ignorons tout de la langue grecque, mais le pouvoir de ces textes est aussi de nous donner une puissante envie de découvrir cette langue, avec sa musique propre.
La simplicité de ces portraits nous touche aussi, pris dans le quotidien le plus ordinaire, jusqu’à en être banal (mais pas trivial) que le regard de l’écrivain rend unique, extraordinairement complice, jusqu’aux frontières de l’intime qu’il franchit parfois à pas de loup. Portraits ou nouvelles, portraits et nouvelles tout à la fois. De femmes mais aussi d’hommes.
Au cœur d’une ville ou au plus profond d’une campagne perdue, en train de lire, de se réveiller d’un mauvais rêve, dans une bibliothèque étudiante, au milieu de la nuit une voix inconnue qui chuchote au téléphone, devant un ordinateur… Portraits aussi « détournés » tel le magnifique Elle regarde ses mains, où les mains de vieille d’une septuagénaire ont la puissance évocatrice de mains sculptées par un Rodin, révélant toute une vie et tout un regard sur la vie. Magique et profondément touchant. Seize nouvelles-portraits qui tracent ligne après ligne le portrait d’une humanité qui se révèle à travers l’humilité des gestes qui dissimulent et disent bien des émotions, de la fatigue à la résistance, de l’espoir à la colère… et bien d’autres choses encore.
L’écriture dense et resserrée de Mihàlis Ganas sait poser avec une justesse magique les quelques touches de tendresse ou d’ironie, de brutalité ou de silence qui rendent tous ses personnages attachants et proches au fil de ce qu’il appelle des « petites et micro-histoires ».
Né en 1943 au nord de la Grèce, en Epire, Mihàlis Ganas a publié à ce jour une vingtaine de titres, dont beaucoup de poésie et de textes de chansons et que Michel Volkovitch nous fait petit à petit découvrir au fil de traductions soigneusement mûries. Merci à lui. Merci aussi à l’éditeur, Quidam, qui a petit à petit installé une vraie collection d’auteurs grecs contemporains dans son catalogue (Chrìstos Ikonòmou, Menis Koumandaréas, Yannis Tsirbas, Ersi Sotiropoulos et Zyrànna Zatèli).
Marc Ossorguine
Lire la critique de Marie Josée Desvignes sur la même oeuvre
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