Quand sort la recluse, Fred Vargas
Quand sort la recluse, mai 2017, 478 pages, 21 €
Ecrivain(s): Fred Vargas Edition: FlammarionLe propre d’un roman policier, c’est de résoudre un problème, tout comme le fait, dans un autre registre, la catharsis grecque, qui permet de faire ressentir la terreur et la pitié chez le lecteur. On trouve l’ensemble de ces leviers dans les livres de Fred Vargas. Toutefois, si le roman policier est bien le récit de la résolution symbolique, ce n’est en général pas –ou peu- le lieu du savoir. Or, chez Fred Vargas, on en apprend toujours un peu : sur la peste dans Pars vite et reviens tard (2001), sur les araignées dans Quand sort la recluse. Ancienne archéo-zoologue, l’auteure nous fait profiter de son aptitude à défricher les champs du savoir et donne à ses intrigues une coloration scientifique.
Comme toujours dans les romans de Fred Vargas, le scénario est complexe, à la limite du concevable ou du plausible. Plusieurs affaires sont encastrées, liées ou non par les hasards de la vie et mises en relation –ou non- par les cheminements rigoureux de l’enquête.
Comme toujours dans les romans de Fred Vargas, on apprécie l’acuité des dialogues entre les personnages, répliques teintées d’humour, voire d’humour noir –selon la tradition propre au roman policier, les enquêteurs sont des êtres désabusés et côtoient souvent le plus grand désespoir. Ainsi, la conversation entre le commissaire Adamsberg, héros récurrent de Vargas, et l’un des scientifiques qu’il rencontre :
- Je viens de voir filer une centaine de poissons morts sur la Seine.
- Nous en verrons d’autres. Comme nous verrons la mer intérieure rassasiée de plastique. Ce sera pratique, on passera directement à pied de Marseille à Tunis.
Ou encore, à l’enterrement d’un des suspects, nonagénaires : « Et pour le lieutenant, les vieux se ressemblaient tous un peu. »
Mais ce que l’on apprécie surtout dans ce roman, ce sont les géniales intuitions d’Adamsberg, « les bulles gazeuses », comme il appelle ses pensées, ou plutôt ses proto-pensées, celles qui précèdent le raisonnement, s’opposant alors à la culture rationnelle du lieutenant Danglard et des autres membres de son équipe. Adamsberg procède ainsi par associations d’idées, et cela lui réussit plutôt bien dans cette enquête qu’il mène en parallèle de sa hiérarchie, de façon officieuse, depuis Paris jusqu’à Nîmes en passant par Lourdes et Cadeirac. Il demeure très à l’écoute des mots-clés qui viennent marquer son esprit et sa mémoire, s’inscrire en filigrane et s’imposer au bon moment, quand ils sont « mûrs ». Ainsi se déroulent un à un les maillons du cheminement holmesien d’Adamsberg, à la tête d’une équipe peu banale, hommes et femmes aux personnalités bien cernées et employés au mieux de leurs compétences. Un roman policier qui pourrait aussi se lire comme un traité de management.
Sylvie Ferrando
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