PVC, « Plateau virtuel club », par Marie du Crest
Radio Clapas 93.5 Montpellier, « Culture et Citoyenneté », propose en collaboration avec les Editions Espace 34 une série d’émissions autour d’un texte d’auteur de théâtre contemporain. Il s’agit de la retransmission d’un travail avec de jeunes comédiens de l’ENSAD à partir d’extraits de l’œuvre retenue, complétée par un entretien avec l’auteur.
PVC, « Plateau virtuel club », est animé par Marie Reverdy. La première émission (le 3 novembre 2017) est consacrée à Neverland de David Léon, publié en 2017. L’auteur ici se fait metteur en voix, conseillant les jeunes interprètes.
Voix blanche / voix noire
Je « podcaste » aujourd’hui. Désormais la radio se joue du temps : elle s’écoute en direct et se réécoute au gré de nos moments de liberté. C’était donc, il y a quelques jours, dans le studio de radio Clapas à Montpellier. Je l’ai déjà écrit ailleurs, la radio et le théâtre ont depuis longtemps entretenu des relations précieuses : la pièce radiophonique étant comme la création la plus remarquée de cette connivence. La radio et le théâtre sont affaire de voix, de textes.
Mais la radio ne nous donne qu’à entendre, qu’à écouter des voix qui parlent entre elles, qui s’entretiennent (ici l’auteur parlant du sujet de sa pièce, Michael Jackson), des voix de comédiens qui « jouent » leur monologue, leur partition et même des voix qui chantent. A la radio, on passe de la musique.
Je reconnais le timbre de David Léon et celui de Sabine Chevallier (l’éditrice) ; leurs voix portent leur image tandis que celle des comédiens reste en quelque sorte opaque. Je suis comme atteinte alors de cécité. J’ignore s’ils sont dans le mouvement de leur voix, avec leur corps. Juste le son enregistré. Des pas, des murmures…
L’émission débute par un commentaire précis du contenu de la pièce, du personnage central autour duquel tout gravite : le chanteur M. Jackson qui n’a cessé de fasciner. Il est à la fois l’enfant rudoyé, battu par son père, la star mondiale que l’on sait et l’accusé aussi d’actes pédophiles. Il est enfin, le fils de son père, descendant d’esclaves noirs ; lui qui voudra tant, dans son corps, effacer cette tâche originelle.
David Léon ensuite (comédien de formation) fait répéter. La répétition comme chantier essentiel du métier de l’acteur. La répétition du comment dire le texte, jusque dans ses moindres nuances Articulation… Le jeune comédien ou la jeune comédienne reprend mot à mot :
« coule / sur / les draps »
Il faut que tu t’adresses à la salle, à cet endroit-là, dit David Léon, un peu après. Le théâtre est recommencement, reprise, persévérance. A un moment, il sera nécessaire de croire que c’est bien ainsi que le passage se dit, dans la vérité de l’œuvre.
Vient le monologue de la psy. Je reconnais ou crois percevoir le bruit d’un briquet qu’on allume. La psy, c’est certain, fume, parfois son souffle arrive jusqu’à mon oreille. Je me laisse emporter : je mets en scène l’invisibilité. Sa voix est bien posée : elle connaît le cas Jackson, assurément. Je l’imagine assise, les jambes croisées.
Et à la fin (comme dans le texte) surgit celui du père, prononçant l’éloge funèbre de son enfant. Il va falloir chanter le gospel accompagné du piano droit installé dans la pièce. L’histoire du théâtre se fait aussi en musique.
Il faut s’accorder, se donner le la et entonner Let my people go en chœur. Belle voix d’un comédien devenu le personnage de Joshua. Lui aussi doit traduire la fierté de son peuple. Il y parvient presque mais il prononce coupelle au lieu de coupole. Tendresse si humaine du lapsus.
Cette voix est-elle noire ? parce que je pense à celle de Paul Robeson ou à celle d’Armstrong interprétant le titre ? Peut-être parce que Michael Jackson a voulu taire cette voix noire si profonde, dans la sienne si haut perchée parfois. Ne plus être un homme noir, absolument. Une voix blanche.
Et avant le générique de l’émission, justement Michael Jackson lui-même : magie de la radio. You Rock my world.
L’émission a été enregistrée dans le cadre d’un stage d’interprétation et d’un atelier d’écriture avec la nouvelle promotion de l’ENSAD-Montpellier dirigés par l’auteur.
On peut retrouver sur La Cause Littéraire une note de lecture de la pièce en date du 6 mai 2017
La prochaine émission sera consacré à un texte de Samuel Gallet.
Marie Du Crest
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