Psychose (Psycho), Robert Bloch (par Léon-Marc Levy)
Psychose. Robert Bloch. Nouvelle traduction de l’américain Emmanuel Pailler. Mai 2011. 188 p. 15 €
Ecrivain(s): Robert Bloch Edition: Moisson Rouge
On doit imaginer d'abord l’étrangeté absolue de l’entreprise d’une lecture qui consiste à retrouver un univers, des personnages, une histoire non seulement connus mais installés dans nos mémoires depuis des décennies ! Par le livre de Bloch déjà, écrit en 1959 et traduit une première fois en français en 1960. Et surtout par le chef-d’œuvre cinématographique d’Alfred Hitchcock en 1960.
Et pourtant, il se trouve que cette lecture est un formidable moment de découverte.
D’abord par la préface de Stéphane Bourgoin, qui éclaire les sources de la fiction : L’affaire Ed Gein, fermier du Wisconsin, Serial killer de femmes chez qui la police trouvera un véritable musée des horreurs, du dépeçage au cannibalisme. Point de départ de « Psychose » certes mais aussi de milliers de livres et scenarii (Le silence des agneaux et le Dahlia Noir entre autres …)
Ensuite par l’étonnant personnage central, le célèbre Norman Bates, auquel il nous est bien difficile de ne pas prêter le physique félin et filiforme d’Anthony Perkins. Il est chauve, gras, petit, laid ! On ne peut plus antipathique, à mille lieues du charme vénéneux et ambigu de notre Anthony.
Il occupe, dans le roman, une place narrative centrale puisque, dès les premières lignes, nous sommes avec lui et sa célébrissime mère, dans un dialogue tendu, hostile, scène totalement absente du film où tout le début suit la future victime, Mary Crane, embarquée dans une histoire erratique de vol d’argent.
« Alors comme ça, mon petit, je te donne envie de vomir, hein ? susurra-t-elle. Je ne pense pas vois-tu. Non mon petit, ce n’est pas moi. C’est toi-même qui te donnes envie de vomir »
A la quatrième page du roman, cette parole résonne déjà comme le nœud de l’intrigue. Comme un joyau indiciaire placé sur le chemin du lecteur.
Autre « rénovation » dans notre rapport à la narration : l’hypothèse de la schizophrénie du héros s’installe doucement, comme un processus imperceptible et continu. C’est probablement là que réside le plus fort intérêt de cette relecture : Hitchcock avait tout fait porter sur la fin, allant jusqu’à « interdire » aux spectateurs sortant de la salle de la raconter à leurs amis ! Mais dans le roman, la tension de la folie latente, avec ses moments de crises, la présence beaucoup plus fréquente de la mère, la présence aussi plus oppressante de la nuit, de la pluie, de l’intérieur de la maison sinistre, l’isolement rural font une trame serrée et suffocante au récit même (on pourrait dire surtout !) si on connaît pourtant, Ô combien, la fin !
Passionnante re-création d’une histoire devenue immortelle. Très belle initiative, très belle traduction, fluide et limpide.
Léon-Marc Levy
VL3
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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