Protest Song, La chanson contestataire dans l’Amérique des Sixties, Yves Delmas, Charles Gancel (par Olivier Verdun)
Protest Song, La chanson contestataire dans l’Amérique des Sixties, Yves Delmas, Charles Gancel, Editions Le Mot Et Le reste, Coll. Attitudes, août 2012, 456 pages, 26 €
Edition: Le Mot et le Reste
Le livre que signent Yves Delmas et Charles Gancel aux Éditions Le Mot Et Le reste, Protest Song, La chanson contestataire dans l’Amérique des Sixties, se définit d’emblée non comme un livre d’Histoire mais d’histoires, non comme un documentaire, mais un concert. Il s’agit, au fil des morceaux de l’époque, depuis l’arrivée de Bob Dylan à New York en 1961 jusqu’au concert de Joan Baez en 1972, chantant sous les bombes américaines à Hanoï, de retracer à travers le prisme de la chanson contestataire américaine la révolution musicale et sociale des années soixante.
Un parcours de plus de dix ans, qui plonge le lecteur dans les tribulations de l’Amérique d’alors, traversée par trois grands mouvements : la lutte pour les droits civiques des Noirs, le triomphe de Dylan et du protest song traditionnel (1961-1964) ; la naissance du folk-rock, la guerre du Viêtnam, la radicalisation noire et la contre-culture (1965-1968) ; la troisième est marquée par l’opposition à la guerre du Viêtnam, puis par le reflux du protest song. Le livre, très érudit, retrace donc une décennie de turbulences qui ont amené de profondes transformations tant sur les plans économiques, sociaux et culturels.
Par un singulier paradoxe dont l’histoire a le secret, le message contestataire des Sixties participera à l’hégémonie de l’empire américain qu’elle n’avait pourtant cessé de prendre pour cible : « une génération entière a adopté cette musique comme univers sonore de ses propres révoltes et, ce faisant, a contribué docilement à l’expansion culturelle de l’empire le plus dominateur du moment, les Etats-Unis. Là où certains pensaient que la révolution s’exportait en musique, des réseaux de ventes se formaient, une industrie se constituait et, imperceptiblement, transformait ceux qui se croyaient compagnons d’armes en consommateurs fidèles ».
L’intérêt de ce tableau en paroles et en musiques, qui nous conduit du revival folk, où le texte primait, aux explosions de la guitare électrique, devant lesquelles le texte s’efface peu à peu, en passant par les apports de la british invasion, est de dresser un parallèle saisissant entre l’évolution des bandes-son et les revendications qui ont contribué très largement à façonner, pour le meilleur et pour le pire, les États-Unis d’aujourd’hui – droits civils, pacifisme, féminisme, droits des Amérindiens, des Noirs, etc.
Olivier Verdun
Yves Delmas et Charles Gancel sont tous deux dirigeants d’entreprise et passionnés par la culture musicale des années soixante. Charles Gancel est l’auteur de deux recueils de nouvelles, Les ufs et Scalpels (Buchet/Chastel), ainsi que d’un roman paru en 2012 chez le même éditeur, Scène de plage.
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