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Pourquoi j’ai construit une maison carrée, Jean Guilaine

Ecrit par Cathy Garcia 16.11.13 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Babel (Actes Sud), Roman

Pourquoi j’ai construit une maison carrée, juin 2013, 333 pages, 8,70 €

Ecrivain(s): Jean Guilaine Edition: Babel (Actes Sud)

Pourquoi j’ai construit une maison carrée, Jean Guilaine

 

On prend plaisir à lire cette histoire qui prend place au Proche-Orient, il y a 10.000 ans, on peut la considérer comme un divertissement agréable, mais c’est aussi une intéressante source de réflexion. Elle pose surtout un questionnement qui reste d’actualité : le progrès est-il toujours un progrès ?

Nous plongeant dans cette période néolithique qui fut un grand tournant de l’histoire humaine, elle met en scène en version accélérée et avec humour les diverses étapes de la transition entre le mode de vie multimillénaire du chasseur-cueilleur nomade et celui de l’agriculteur-éleveur, la naissance des premiers villages, l’abandon de la tente, puis de la maison ronde pour les bâtisses carrées à une, puis plusieurs pièces, la découverte de nouvelles techniques comme le tissage, la terre cuite. A chaque pas en avant, outre un confort bien réel, correspond aussi l’apparition de problèmes inconnus jusque-là : avec l’entreposage de céréales, l’invasion de rongeurs et en contrepartie la domestication du chat ; avec la concentration de bêtes, des maladies ; avec la découverte du tissage, le souci de l’apparence ; avec le sédentarisme, la propriété et la convoitise, donc le besoin de se protéger ; avec les premiers villages fortifiés, la guerre, et avec la vie en société de plus en plus organisée, le goût du pouvoir, du luxe et de la luxure…

Le personnage principal du roman est Cando, jeune adolescent au départ, il fait partie d’un groupe qui vit encore à l’ancienne, de chasse, de pêche et de cueillette. La rencontre avec des populations plus avancées, nommées ici « les cousins » va transformer peu à peu leur façon de vivre, au grand dam de Goluk, ardent défenseur des traditions et porte-parole autoproclamé des ancêtres. Ce dernier combat avec virulence toute nouveauté, y voyant automatiquement perversion de la tradition et donc promesse d’innombrables malheurs à venir – parfois les évènements lui donneront raison. Le père de Cando, au contraire, est doté d’un esprit curieux et ouvert, il accueille chaque nouveauté avec le plus grand intérêt, et lui-même sera à l’origine de la technique des pots en terre cuite et du modelage de figurines qui donneront lieu à des cultes, qui finiront par s’opposer. Cando apprécie Goluk pour sa sagesse, son savoir et aime tout autant sinon plus son père, même si ce n’est peut-être pas son vrai père.

Il se retrouve tiraillé entre deux visions totalement antagonistes. Sa fougue adolescente lui fait cependant pencher pour l’enthousiasme que procure la découverte incessante, le plaisir aussi d’une vie plus confortable. Pourtant, amoureux de Loula, qui est une fille de Kalum, le même village que lui, il se retrouve lui-même en butte avec une tradition que même les plus modernistes ne souhaitent pas voir changer : l’obligation d’aller prendre épouse dans une autre communauté. Aussi lorsque Loula et sa famille, Les Montému, proches dans leur façon de voir du vieux Goluk, suivront ce dernier pour l’île aux pierres vertes, que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Chypre, Cando se retrouve face à un cruel dilemme : oublier Loula ou perdre sa famille. Il fera le choix de partir plutôt que de prendre femme dans un village voisin. Après quelques aventures, il retrouvera donc Loula, sa famille et Goluk, à Khiro, un village où les maisons sont toujours rondes, sur l’île aux pierres vertes. Un village cependant protégé par une immense muraille de pierres. Là, il prendra Loula pour femme et tâchera d’être heureux. Ils auront trois enfants. Mais cette vie à Khiro, sous la coupe d’un Goluk toujours plus fanatique du non-changement, avec les autres habitants qui eux aussi refusent toutes formes d’évolution, finira pas ne plus lui convenir. Cando fera alors le choix d’être un homme libre et ira vivre avec sa famille proche, à l’écart de toute communauté. Quand il retournera finalement à Kalum, pour essayer de revoir sa famille, beaucoup de temps a passé, ses cheveux et sa barbe ont blanchi, et ce qu’il va trouver sur le continent ne lui plaira pas du tout, mais il découvrira que lui-même est devenu un homme sage, sobre, mais libre et indépendant, ayant réussi à établir en lui un équilibre entre le progrès à tout va et un fanatisme obscurantiste.

Une leçon qui demeure, peut-être plus que jamais, d’actualité.

 

Cathy Garcia

 


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A propos de l'écrivain

Jean Guilaine

 

Jean Guilaine est un archéologue français, né le 24 décembre 1936 à Carcassonne (Aude). Il est spécialiste de la Préhistoire récente et de la Protohistoire. Depuis 2007, il est professeur honoraire au Collège de France où il était depuis 1994 titulaire de la chaire de Civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’âge du bronze, période qu’il qualifie de « seconde naissance de l’homme ». En 2011, il est élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres au fauteuil de Bernard Guenée. En 1980, il écrit un remarquable ouvrage de vulgarisation La France d’avant la France (Du néolithique à l’âge du fer) sur les cultures régionales du néolithique, du chalcolithique de l’âge du bronze et du premier âge du fer en France. Son œuvre est essentiellement scientifique. Il utilise pollens et restes de repas pour définir le milieu naturel des hommes préhistoriques, donnant naissance à l’archéologie agraire. Il publie régulièrement depuis quelques années les séminaires qu’il organise au Collège de France, tandis que l’on peut également citer un ouvrage de synthèse important : La mer partagée. La Méditerranée avant l’écriture. Il vient de publier Cain, Abel, Ötzi. L’héritage néolithique et Archéologie, science humaine. Entretiens avec Anne Lehoërff.

 

A propos du rédacteur

Cathy Garcia

 

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Rédactrice

Domaines de prédilection : littérature française et étrangère (surtout latino-américaine & asiatique)

Genres : romans, poésie, romans noirs, nouvelles, jeunesse

Maisons d’édition les plus fréquentes : Métailié,  Actes Sud

 

Née en 1970 dans le Var.

Premier Prix de poésie à 18 ans. Premiers recueils publiés en 2001.

A Créé en 2003 la revue de poésie vive NOUVEAUX DÉLITS. http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com

Fin 2009, elle fonde l’association NOUVEAUX DÉLITS :

http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/

Plasticienne autodidacte, elle compose ce qu’elle appelle des gribouglyphes,  mélange de diverses techniques et de collages. Elle illustre plusieurs revues littéraires et des recueils d’autres auteurs. Travail présenté publiquement depuis fin 2008 et sur le net :

http://ledecompresseuratelierpictopoetiquedecathygarcia.hautetfort.com

Elle s’exprime aussi à travers la photo, pas en tant que photographe professionnelle, mais en tant que poète ayant troqué le crayon contre un appareil photo : http://imagesducausse.hautetfort.com/ Ce qui  a donné lieu à trois Livr’art visibles sur internet dans la collection Evazine :

http://evazine.com/livre_art.htm