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Pourquoi il pleut des chats et des chiens, suite et fin, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous 18.04.17 dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

Pourquoi il pleut des chats et des chiens, suite et fin, par Nadia Agsous

 

Lorsque l’imam de la mosquée jouxtant notre maison entendit parler de mes questions, il m’envoya un message par le biais de sa femme et m’invita à aller le retrouver à la mosquée. Je fus très étonné par cette demande. Si ce n’est ma mère qui m’encouragea à aller le voir, je n’aurais jamais répondu à sa requête. Ce qu’il me dit me laissa sans voix.

- «Dis donc, fiston, c'est toi le petit garçon qui cherche à savoir pourquoi il pleut constamment sur notre ville ? Lorsqu'on m'a parlé d'un enfant qui pose des questions sur la pluie qui ravage notre ville, je me suis dit, en voilà un qui pose les bonnes questions ! Je suis ravi que tu sois venu me voir. Je ne sais comment te remercier mais t'inquiète, Dieu te le revaudra, mon fils. Il te réservera une place dans son vaste paradis. Ecoute-moi bien ya wlidi et grave bien mes paroles dans ta petite tête. Le diable est fatigué de pisser dans les oreilles des infidèles qui demeurent sourds et indifférents à l'appel de la prière de l'aube. Tous les matins, je le vois lever les bras au ciel en guise d'impuissance ; je l'entends crier, exploser et se métamorphoser en bombe assassine. Sais-tu, petit, que Salat Al Fajr est une obligation ?

Tout le monde le sait. Nul ne pourra me contredire. Les savants les plus futés ont prouvé ses bienfaits pour le corps et l'esprit. Cette prière matinale et bienfaisante a été imposée par Dieu ; elle a été recommandée par le prophète. Toutes les aubes, moi, muezzin de ce quartier, je rappelle le troupeau à l'ordre ; tous les matins, je les incite à revenir sur le droit chemin, celui que le divin a tracé pour nous. Et tu crois qu'ils se lèvent pour prier ? Tu crois qu'ils obéissent au muezzin ? Tu crois qu'ils craignent leur dieu ? Tu parles ! Pendant que je me tue à montrer le chemin de dieu, ce peuple fainéant passe son temps à s'en écarter. Nos frères adorent dormir. Ils ne savent faire que ça ! Le diable est tellement fatigué de pisser dans les oreilles des infidèles qu'il a décidé d'uriner sur la ville. Il continuera à pisser sur nous tant que ces mécréants n'accompliront pas la prière de l'aube. C'est à cause de ces parpaillots que nous recevons les foudres humides de Satan. C'est à cause d'eux que nous subissons la colère mouillée des anges du mal.

Va, dis-le à tes parents ! Répète-le à tes voisins ! Enfonce-le bien dans ta tête ! Sois mon messager dans le quartier ! Répands la parole de l'envoyé de dieu sur terre ! Je Lui parlerai de toi ; Il te le revaudra ! Dis-leur ! Récite-leur ! Explique-leur que ceux qui se lèvent à l'aube pour faire leur prière seront bénis par les anges du bien ! Leur vie sera jennah (1) ! Leurs cœurs seront adoucis. Les anges de la lumière aurorale ingurgiteront leur méchanceté ; ils panseront leurs plaies ; ils leur ouvriront les portes du paradis. Maintenant que tu le sais, dis et agis ! Je compte sur toi ! Dieu te récompensera, là-haut, dans les cieux ! Va ! Va leur dire !»

 

Le muezzin me garda pendant plus d'une heure. Dès qu'il me libéra, je courus raconter ce cauchemar à ma mère qui me demanda d'être indulgent avec cet homme qui avait perdu la raison depuis que sa fille unique mourut brûlée dans un incendie qui ravagea leur maison.

Pour tout vous dire, à ce jour, personne n'a pu répondre de manière rationnelle à mes questions sur la pluie qui tombe sans arrêt sur notre ville.

A l'heure où je rêve, le temps est moche. L'air est obscur. Le ciel est triste à mourir. Il pleut comme vache qui pisse dans les arcanes de nos vies. Le diable se livre à un chahut joyeux ; l'équinoxe exulte. Et moi qui vis avec la peur de me noyer ; moi qui refroidis le feu destructeur ; moi qui aide les dieux à adoucir le monde, je suspends le temps et ses violences assassines. Dans mon sommeil inconscient, je crie à la face du monde :

Layostor ! Layostor ! Layostor !

Dieu nous préservera-t-Il ?

 

Nadia Agsous

 

1. Paradis

 

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Rédactrice


Journaliste, chroniqueuse littéraire dans la presse écrite et la presse numérique. Elle a publié avec Hamsi Boubekeur Réminiscences, Éditions La Marsa, 2012, 100 p. Auteure de "Des Hommes et leurs Mondes", entretiens avec Smaïn Laacher, sociologue, Editions Dalimen, octobre 2014, 200 p.

"L'ombre d'un doute" , Editions Frantz Fanon, Algérie, Décembre 2020.