Poste restante à Locmaria, Lorraine Fouchet
Poste restante à Locmaria, avril 2018, 384 pages, 21€
Ecrivain(s): Lorraine Fouchet Edition: Héloïse D'Ormesson
Chiara vit entre une mère peu chaleureuse, Livia, qu’elle appelle par son prénom, et sa marraine, Viola, qui a toujours cherché à compenser le manque d’affection de la mère pour sa fille. D’ailleurs, Chiara semble plutôt épanouie, tout juste affectée par l’absence de ce père qu’elle n’a pas connu et qu’elle s’est inventé à partir des nombreux portraits, qui, plus de vingt-cinq ans après le drame, hantent encore l’appartement.
Tout bascule le jour où Viola, trahissant le secret de Livia, dévoile à Chiara que son père ne serait pas ce bel Italien, renversé par une Vespa en traversant la Piazza del Popolo, avant sa naissance, mais un marin breton, que sa mère aurait rencontré juste après le décès de son jeune époux. C’est la consternation. Livia, de son côté, ne comprend pas pourquoi sa meilleure amie l’a trahie, mais cette dernière se mure dans le silence. Quant à Chiara, elle décide de tout quitter du jour au lendemain pour se lancer sur les traces de ce père hypothétique, qu’elle espère encore vivant.
Un père, ce n’est tout de même pas rien ! Et pourtant… Sa quête d’identité l’emmènera bien au-delà de ce à quoi elle aurait pu raisonnablement s’attendre. Prisonnières du carcan de leurs regrets et remords, ni sa mère, ni sa marraine n’ont su faire preuve de générosité sans réserve. Or, c’est bien ce sentiment qu’elle éprouvera pour la première fois, loin de sa Rome natale, en France, sur l’île de Groix. Au gré de ses très belles rencontres, la jeune femme se fera l’écho d’oreilles généreuses et attentives, le reflet de regards bienveillants, jusqu’à réparer les âmes abîmées, celle des d’autres avant la sienne.
Sans jamais tomber dans la mièvrerie des bons sentiments, Lorraine Fouchet met superbement en exergue la richesse et l’ambivalence de l’amour et de l’amitié : en fonction des instances invoquées (originales, puisque même les objets ont voix au chapitre) et des lieux revisités (la Ville éternelle, l’étouffante banlieue parisienne, la belle et indomptable île de Groix), la narration se fait à la fois dense, légère, paisible et haletante, à l’instar des plus nobles sentiments humains.
Du début à la fin, ce beau roman donne le sourire, un peu comme une délicieuse glace italienne, que l’on dégusterait sur une plage bretonne ensoleillée, très légèrement ventée.
Christelle d’Hérart Brocard
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