Poètes du monde (Lectures choisies), Pierre Tanguy (par Gilles Cervera)
Poètes du monde (Lecture choisies), Pierre Tanguy, Editions Sauvages, janvier 2024, 140 pages, 16 €
Pierre Tanguy ou l’expérience poétique !
La poésie est le monde et Pierre Tanguy en est un des passeurs. Il passe de livre en livre, de continents en hémisphères, de nuages en feuilles. Il va dans tous les pays, visite toutes les traductions, fouine et fouille, il débusque, il attise et il nous comble. Après ses Poètes de Bretagne, ses Écrivains en Bretagne, voici donc, aux éditions Sauvages à Quimper, Poètes du monde.
Pierre Tanguy en est un, qui les connaît (presque) tous !
Il nous livre son anthologie discrète, douce, précise autant que cohérente. Un paravent dans les brouhahas, un ciré jaune par temps d’ondées médiatiques, un pare-toc sans plastoc !
Son sous-titre vient de l’antique : Lectures choisies avec des parenthèses autour !
Pierre Tanguy est un guide de haute-montagne, ses livres lus sont des cairns. Il les recense au sens de la recension, c’est-à-dire à la pointe de l’aiguille du sens. Il ne choisit que ce qu’il aime et nous aimons le suivre. Trekkeur de voltige, varappeur de nuées, il déambule aux sommets entre Japon (Takuboku ou Soseki), France (quand même Jaccottet, Bauchau, ou Anne-Lise Blanchard), Grèce, Maroc ou États-Unis (Howard Mc Cord).
Mahmoud Darwich est présent, tellement sa présence en ce moment et toujours irradie : Écris correctement fleuve. Il coulera dans ton cahier…/ Qui écrit une chose la possède. Donc la Palestine. Vive la Palestine !
Donc Israël, vive Israël ! De Rachel :
Toi, sous l’arbre, tu te tiens
Et moi sur une branche, comme un oiseau ;
À la cime argentée d’un olivier
Nous taillons les branches noircies.
En entrant dans ce livre de Tanguy, on pénètre sa bibliothèque pour constater, quel lieu commun, pardon, que la poésie est incroyablement vivace et vivante. Elle vibre, elle vogue, elle illumine. Les Rimb sont partout sur la planète, discrets, c’est vrai mais leurs mots sourdent, leurs vers brillent, leurs mots entrent en nous dès qu’on a laissé le caddy se reposer au supermarché et les ordis bugger.
L’expérience poétique est ici complète, moderne, révoltée ou transcendante !
Jour après jour
Je vois s’arrondir
La pomme reinette (de Cécile A. Holdban, poète d’origine hongroise, vivant en France).
Mais que dire de celui qui, à cette heure même, fait naufrage, celui que nul ne vient consoler, qui perd confiance en la bonté ? de Janine Modlinger, sensible au sacré et au pire cimetière dont le nom est Méditerranée.
Tous ces mots qui ne veulent rien dire
Tous ces actes qui ne servent à rien
Et ces gens si nombreux, si bruyants
Où rien d’important n’entre dans leur tête
Et ces livres qui ne possèdent même pas
Une phrase qui vous touche
D’Alexandre Romanès, le circassien, le gitan qui dit le contraire de ce que je pense mais qui doit être entendu, car il parle depuis son pays sans pays, sa peine sans filets et ses désespoirs désespérants.
En bon pédagogue, l’auteur use de l’ordre alphabétique et précède chacune de ses notes d’une mention biographique légère qui permet de situer le poète dans l’espace et le temps.
Heureux qui a pu apprendre des choses les causes
Le destin inexorable
Le vacarme de l’avide mort…
De Virgile, retraduit par Frédéric Boyer deux-mille-vingt ans après son écriture à Rome !
Rejoindre cette poésie qui foisonne et dont Pierre Tanguy fait et nous fait faire autant que de désir l’expérience de foi et de feux !
Gilles Cervera
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