Poésie de langue française, anthologie thématique, Jean Orizet
Poésie de langue française, Anthologie thématique, novembre 2013. 633 p. 22,50 €
Ecrivain(s): Jean Orizet Edition: Le Cherche-Midi
« Pourquoi lire la poésie ? Pour vivre mieux et plus haut »
Jean Orizet conclut ainsi sa préface. Et le talent qu’il déploie à travers ces 650 pages de bonheur nous apporte la conviction qu’en effet les poèmes sont une formidable source de vie et de plaisir.
Une anthologie poétique – il y en a tant – est toujours une entreprise périlleuse. La subjectivité des choix porte en elle l’omission, la sur-citation, parfois même la rengaine. Et cette anthologie n’échappe pas à ce pli : et à ceux qui se demanderont pourquoi citer encore Le pont Mirabeau, Il n’y a pas d’amour heureux, Harmonie du soir ou une allée du Luxembourg, il faudra répondre que c’est parce qu’il s’agit d’urgences sans cesse répétées ! On soupçonne, dans ces choix précis, le maître d’œuvre de se faire un plaisir tout personnel. Mais peut-on le lui reprocher vraiment ? L’anthologie est d’abord une affaire de plaisir personnel tout compte fait. Et dans ce plaisir que le lecteur fait son chemin et trouve le sien.
Chemin qui se fait dans les belles surprises aussi – l’ami Jean-Luc Maxence ou Kateb Yacine poète – et/ou les découvertes parfois inattendues, parfois au contraire tant attendues et toujours retardées. Voyage souvent cahotique et délicieuses collisions : ici Marie de France et son Lai du chèvrefeuille (XIIème siècle), là Pierre Dhainaut, sur le vif prodigue (2008). Voyage enfin porté par les liaisons thématiques : c’est le choix du maître d’œuvre et c’est heureux car ce choix ajoute à la subjectivité, à l’engagement du décideur et, en poésie, l’engagement est peut-être l’ingrédient le plus indispensable.
Car – et c’est le titre de la préface – la poésie est la vie. Elle est la source vive de toute littérature, sa musique, les battements de son cœur. Sans elle, il n’est plus d’écriture possible dans le champ de l’art, il n’est plus qu’une plate et sinistre logorrhée. La poésie est l’exercice même de la liberté, quelque chose de son essence.
On ne peut résister à citer ce poème de Rachid Boudjedra (belle surprise, on connaît plutôt le romancier) qui dit l’essentiel sur le dit poétique :
Alphabétisation
A quoi servent mes poèmes
Si ma mère ne sait me lire?
Ma mère a vingt ans
Elle ne veut plus souffrir
Ce soir elle viendra
Epeler mes lettres
Et demain elle saura
Ecrire
Emancipation.
A quoi servent mes poèmes
Si mon père ne sait me lire?
Mon père a cent ans
Il n’a pas vu la mer
Ce soir il viendra
Epeler mes lettres
Et demain il saura
Lire
Dignité.
A quoi servent mes poèmes
Si mon copain ne sait me lire?
Mon copain n’a pas d’âge
Il a vécu dans les prisons
Ce soir il viendra
Epeler mes lettres
Et demain il saura
Crier
Liberté.
Leon-Marc Levy
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