Petits oiseaux, Yôko Ogawa
Petits oiseaux, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, septembre 2014, 272 pages, 21,80 €
Ecrivain(s): Yoko Ogawa Edition: Actes Sud
Il est des livres qui nous émeuvent, d’autres qui nous agacent, nous passionnent, nous émerveillent ou nous font rire. Certains nous font frémir, d’autres nous épatent quand certains nous révoltent. Il en est peu, bien peu, qui nous apaisent. Petits oiseaux est de ceux-ci.
Petits oiseaux raconte l’histoire de deux frères, l’aîné et le cadet, que rassemble l’étrange « maladie » de l’aîné. Celui-ci, en effet, ne parle qu’une langue connue de lui seul, à l’exception de son cadet qui la comprend naturellement. Cette langue, le pawpaw, ne ressemble à rien, sauf, peut-être, au chant des petits oiseaux qui ont la volière d’un proche jardin d’enfants pour abri. Leur mère a disparu et l’on ne saura rien de leur père. Elle, elle est toujours là, sur une photo vieillie, accompagnée de broches que son aîné a patiemment collées et découpées à partir de papiers de bonbons avec des images d’oiseaux, toujours les mêmes mais parés de couleurs différentes.
Il ne se passe presque rien dans ce récit. Et pourtant la vie passe, pas seulement pleine de souvenirs et de rêves. Car en retrait du monde, les deux frères n’en sont pas pour autant retirés. Mais leur monde est différent, ou plutôt ils y vivent autrement. Ils y voyagent comme seuls savent voyager les enfants à l’imagination fertile, entre immobilité et mouvement. La mort et la bêtise humaine viennent bien frapper à leur porte, aux bambous qui ferment leur cage, mais cela n’est rien quand chantent les oiseaux, quand l’on sait chanter avec eux, ou même, chose plus étrange encore, lorsque l’on sait leur apprendre à chanter.
Entre poésie et réalité, avec la bienveillance et la discrète attention d’une bibliothécaire, l’auteure nous emmène au plus près de ces deux personnages, jusqu’à percevoir leurs souffles et entendre leur silence lorsqu’il nous invite à simplement écouter et écouter encore ce que quelques petits oiseaux ont à chanter. Yoko Ogawa (que nous avouons découvrir avec ces Petits oiseaux) nous offre une écriture qui respire profondément, qui accompagne ses personnages avec une indéniable pudeur tout en nous laissant deviner leur part la plus secrète, celle où le sentiment d’être, tout simplement, est l’essentiel. Peut-être la seule chose qui compte.
La construction du récit nous fait petit à petit entrer dans ce monde puis nous reconduit tranquillement hors de celui-ci, avec un respect des personnages, du lecteur et de la fiction qui peut laisser une profonde empreinte sur le lecteur. Une qualité d’écriture qui nous implique autrement dans le monde, malgré nous, et trace tranquillement une ligne souple entre un avant et un après, celui des deux frères autant que celui de notre lecture.
Une écriture comme on en lit assez peu, qui peut vous passer à côté ou vous toucher au plus profond. On y trouve une paix et une profondeur, une tranquillité que peu d’auteurs savent poser et ouvrir pour vous y emmener.
Marc Ossorguine
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