Pensées en désuétude, Fanny Cosi
Pensées en désuétude, éditions Edilivre A Paris, 2010, 172 pages.
La quatrième de couverture de Pensées en désuétude inscrit le projet de Fanny Cosi dans la lignée de Nathalie Sarraute, plus précisément dans ce que l’auteur d’Enfance appelait « tropismes » à savoir ces « mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience [, qui] sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir [et qui] paraissent encore constituer la source secrète de notre existence. » (Le langage dans l'art du roman, 1970).
Ces « pensées » fragmentaires tentent donc de saisir des instants, des sensations, des sentiments, des ressentis, les états d’âme d’un « moi » éclaté, parcellaire, qui cherche à rassembler ou à perdre – on ne sait pas, on hésite –, les parcelles éparses de ce qui constitue une identité, de ce qui enracine le « je », le détermine. Fanny Cosi y expose, comme pour s’en défaire, les déchirures, les fractures d’une vie. Les drames, les pertes. Pour s’en sauver. « J’écris sans doute pour me raccrocher à la vie… Me rapprocher de moi. M’aime. Je. » On y trouve aussi l’évocation du « sentiment amoureux », du désir, des fantasmes…
Ici, la troisième personne supplante la première qui n’est cependant pas absente. Avec « Elle », Fanny Cosi impose une distance à soi, comme pour saisir le « moi », le faire autre, chercher l’ego dans l’alter. Le regarder de loin pour mieux le cerner, se cerner. D’ailleurs, cette stratégie d’en passer par l’autre pour dire le « moi » est présente dès le choix du pseudonyme. Disons-le, puisque ce n’est plus un secret, l’auteure ayant elle-même révélé sa véritable identité, Fanny Cosi n’est autre que Stéphanie Michineau, spécialiste de l’autofiction chez Colette. Des photos viennent attester de cet ancrage autobiographique, celles notamment de sa mère, décédée en août 1997 et de son compagnon, en août 2009.
Dans Pensées en désuétude, il s’agit donc de dire par l’intermédiaire d’une identité scindée, ce qui césure la vie, ce qui la blesse, l’inceste par exemple : « Elle en avait assez. De se débattre. Battre contre une petite enfance. En défaillance. En conséquence. Passée. Mal. Dans un lointain sans fin ». L’écriture devient alors un moyen de se sauver du réel, de se sauver de ce que le réel fait souffrir : « Réel qui détruit s’il n’est pas sublimé ». Ecrire pour transformer la réalité, pour la réparer, se réparer, panser les plaies : « Ecriture. Maladive. Qui fait du bien. Transforme le mal. En bien. Lorsque c’est dit ». S’apaiser, offrir cette délivrance au lecteur « POUR RETROUVER SON ETRE. PLUS VIVANT QUE MORT ».
Arnaud Genon
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