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Pays arabes

Les vies de papier, Rabih Alameddine

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 28 Janvier 2017. , dans Pays arabes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Les vies de papier, Les Escales, août 2016, trad. anglais Nicolas Richard, 330 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Rabih Alameddine

 

Une traductrice qui, après avoir été libraire, ne publie pas ses traductions, qui les enserre jalousement dans « la chambre de bonne » de son appartement, et qui plus est, fait des traductions de traductions… si l’on replace le tout dans le Beyrouth traversé par toutes les guerres, souvent fratricides, on aura une vue assez panoramique de ce roman :

« Je choisissais de mourir dans mon appartement plutôt que de vivre sans. Dans les marges du matin, je m’accroupissais derrière ma fenêtre et observais les thanatophiles adolescents avec des semi-automatiques qui, tels des cafards, couraient en zigzags. Le clair de lune sur le canon des fusils de seconde main. Tandis que les nébuleuses des bombes éclairantes coloraient les cieux en indigo, je voyais les étoiles cligner avec incrédulité face à l’orgueil démesuré qui faisait rage en bas, sur la terre ferme » (p.40).

« Quand les seigneurs de guerre ont achevé leur interlude quelques jours plus tard, je me suis sentie protégée entre les quatre murs de mon appartement, veillant avec la kalachnikov proche de ma poitrine.

Aaliya l’élevée, la séparée » (p.58).

Pas de couteaux dans les cuisines de cette ville, Khaled Khalifa

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 04 Octobre 2016. , dans Pays arabes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Sindbad, Actes Sud

Pas de couteaux dans les cuisines de cette ville (Lâ sakâkîna fi matâbikhi hâdhihi-l-madîna), septembre 2016, trad. arabe Rania Samara, 256 pages, 21,80 € Edition: Sindbad, Actes Sud

 

 

Je suis la péniche, parce que je suis le câble et le flotteur et que si je relâchais mon attention un seul instant, elle coulerait et serait entraînée par le courant…

Naguib Mahfouz, Dérives sur le Nil (1966/1989)

 

Les corniches avaient été neuves autrefois ; elles avaient brillé d’un éclat aussi vif que la honte qui les faisait bouder maintenant, ternies et méprisées de tous. Les fenêtres n’avaient pas toujours été aveuglées, les portes n’avaient pas toujours rappelé la méfiance et le silence d’une cité longtemps assiégée. (…) Autrefois, on y avait résidé, tandis que maintenant, on y était en prison.

James Baldwin, Un autre pays (1960/62)

Histoires d’amour dans l’Histoire des Arabes, choisies, traduites et annotées par Jean-Jacques Schmidt

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 20 Avril 2016. , dans Pays arabes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Contes, Sindbad, Actes Sud

Histoires d’amour dans l’Histoire des Arabes, février 2016, 149 pages, 19 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Schmidt Edition: Sindbad, Actes Sud

Remercions et félicitons les éditions Actes Sud pour la publication de cet ouvrage dans lequel Jean-Jacques Schmidt a compilé une somme d’environ soixante-dix contes de longueur très variable.

Ouvrage de référence quand on sait que, ces dernières décennies, maintes thèses d’histoire littéraire ont fait de la littérature arabe une des sources essentielles du roman courtois et de la poésie courtoise qui ont fait florès en Occident du XIe au XIIIe siècle.

On connaît par ailleurs l’influence qu’a eue sur notre histoire littéraire le Livre des Mille et Une Nuits, surtout après la traduction qu’en a faite Antoine Galland au début du XVIIIe siècle, mais déjà beaucoup plus tôt, puisque dès le XIe siècle circulaient en Europe des variantes de certains des récits qui le constituent, transplantés ou greffés dans le corpus des contes des folklores locaux.

Les histoires d’amour ici collectées, rassemblées et classées par grandes périodes (successivement époque préislamique, débuts de l’islam, époque omeyyade, époque abbasside, époque andalouse) présentent, malgré les contextes historiques différents et l’emprise croissante de la religion, une remarquable identité thématique, narrative et dramatique.

Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Octobre 2015. , dans Pays arabes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Maghreb, Seuil

Le règne de barbarie, 1980 (Préface de Ghislain Ripault), 160 pages, 13 € . Ecrivain(s): Abdellatif Laâbi Edition: Seuil

 

Ce recueil de poèmes est un long cri de souffrance et de révolte. Publié en 1972 alors que son auteur, le poète marocain Abdellatif Laâbi, fondateur de la revue Souffles, dépérissait et pourrissait au secret des cellules de la prison de Kenitra, livré au bon vouloir sadique des tortionnaires de Hassan II, en pleines années de plomb, Le règne de barbarie se lit avec les tripes, avec les poings serrés, avec des saccades de sanglots, durs comme du fer, qui vous montent, ligne après ligne, exploser à la gueule.

Ce recueil de colères est un long hurlement de loup blessé, aux chairs prises dans les crocs de l’arbitraire du traqueur de liberté.

Préfacé par Ghislain Ripault, autre poète, qui en 1972 était coopérant français au Maroc, Le règne de barbarie ne se lit pas, mais se vit, se chevauche, se galope comme la noire monture de l’apocalypse, annonciatrice de la fin des temps des sombres seigneurs et de l’époque des vengeances éclatantes et justes des peuples : « Il est temps de dire pourquoi je dégueule ce monde ».

Un dernier verre de thé et autres nouvelles, Mohammed El-Bisatie

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Pays arabes, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Sindbad, Actes Sud

Un dernier verre de thé et autres nouvelles, octobre 2014, traduit de l’arabe (Egypte) par Edwige Lambert, 240 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Mohammed El-Bisatie Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Un clair-obscur, comme des âmes oubliées à la fatalité…

Un dernier verre de thé et autres nouvelles est une anthologie, composée de 27 nouvelles, qui retrace l’itinéraire de son auteur pendant une quarantaine d’années au regard de ce qui précède et annonce l’histoire égyptienne dans ses mutations et ses révolutions.

« Le professeur ouvre les yeux. Il voit le barbu secouer la poussière de sa gallabeya, puis s’avancer lourdement et rester sur le seuil de la bâtisse. Ses yeux sont fixés sur son dos large. Les branches de l’arbre sont immobiles. Les lèvres du professeur se mettent à trembler. Il les serre. Il se tait ».

« Je l’ai vue de mes propres yeux ! », mais que peut-on voir quand la nuit éclaire de son ombre la vie simple des sans vies, une terre d’extrême pauvreté, un pays de laissés-pour-compte, des marginaux à la dignité intacte, dans une Égypte intemporelle, sèche, comme la terre qui est sensée la nourrir, quand l’eau du canal qui ne charrie plus la vie pour des récoltes abondantes, mais, des cadavres, des immondices au milieu de l’écume et des herbes ?