Paul Micio, Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV
Paul Micio, Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV, Orfèvrerie et objets d’art des Orléans sous l’Ancien Régime, Somogy éditions d’art, 2014, 360 pages, 24 x 32 cm, 59,00 €
Voici – et c’est heureux – la première étude approfondie existant sur les collections de Monsieur, frère du roi Louis XIV, et sur celles de sa famille, collections qui sont assurément les plus marquantes et les plus variées de l’Ancien Régime, hormis, bien sûr, celles de la Couronne.
La famille d’Orléans a apporté son concours à la réalisation de ce magnifique ouvrage, ayant permis à Paul Micio l’accès à ses archives privées. Micio a consacré plus de dix années de recherches à ces archives, consultant inventaires après décès, journaux, correspondances, factures, comptes…, l’esprit devenu flamme réchauffant d’un chaud halo, et invisiblement y déposant son voile, et fervemment y déposant son trouble, les verres superposés d’une lanterne (arrachée à quelque lieu profondément enfoui dans les Mille et une nuits) : celle du corps ainsi rendu transparent par la passion qui l’a comme resculpté, et en a changé la matière (pouvoir de la passion), – et cela a conduit Micio en France, en Espagne, en Angleterre.
Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV, Orfèvrerie et objets d’art des Orléans sous l’Ancien Régime retrace l’historique de ces collections, de la Renaissance jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, en privilégiant suivant toute logique l’époque d’Henriette-Marie, sœur de Gaston d’Orléans, tante et belle-mère de Monsieur, en 1625, jusqu’à la mort du Régent, en 1723.
Illustré de plus de 200 dessins, gravures, plans, bijoux, orfèvrerie, objets d’art, porcelaines montées, cet ouvrage n’intéressera pas seulement les érudits, historiens de l’art et curieux passionnés. Il intéressera tous ceux qui, se levant de quelque rêve, voudront caresser imaginairement les bords d’une Histoire contenue en l’arrondi parfait d’un objet.
Et du CD-Rom inclus contenant les inventaires et archives inédites de la Maison d’Orléans, du XVIIe au XVIIIe siècle, se lèvent presque des poèmes, tous frères un peu de la somptuosité douce, et pudique, des Mille et une nuits recomposées – pour la tiédeur de notre rêve épris de forêts – par Antoine Galland.
Ainsi ce texte, que nous avons remis en vers :
MONSIEUR, ROI DE PERSE
Carrousel de 1662
La veste étoit de brocart d’argent rebrodé
d’argent & parsemé de rubis, & se joignoit
par devant avec de grosses agrafes de rubis.
Sur le devant autour du col d’une épaule à
l’autre, il y avoit une chaîne de gros rubis,
les entourneures des épaules étoient deux
chaînes de pareils rubis. Les manches se
terminoient en des lambrequins entourez
d’un rang de gros rubis, & qui avoient à
leur bout des campanes de cartisanne &
des pendeloques de rubis. De dessous
les manches qui ne passoient guère les
épaules, sortoient d’autres manches qui
alloient jusqu’au poignet, & toutes plissées
jusqu’à la manchette qui faisoit des languettes.
Il portoit sur le dos une mante à la Persane de
brocart incarnat rebrodé d’argent, semée de
perles, nouée sur les épaules par deux gros
bouillons, & dont le bas finoissoit par des
lambrequins garnis de campanes. La
coiffure étoit un bonnet à la Persane d’un
brocart incarnat, brodé d’argent avec une
bande au dessus en écailles d’or, & un tour
de même matière chargé de pandeloques de
rubis & de perles. A ce bonnet étoit attaché
une creste de plumes incarnat & blanc sans
nombre, sur une grande rose de rubis. Le
bas de soye étoit gris de perle & les botines
de même étoffe & broderie que la veste. Le
haut de chacune étoit orné de bouillons de
brocart d’argent & d’une rose de rubis qui
les soutenoient. Outre cela, elles étoient
chamarées en brodequins d’une bande
de satin incarnat brodé d’argent, le tout
garny de rubis incarnat & blanc. La selle
du cheval étoit de brocart incarnat & argent
rebrodé d’argent, & son molet d’argent. Tout
le caparaçon étoit de même étoffe & broderie
chargé de gros rubis & composé par le bas de
campanes, distinguées & terminées par des
pandeloques de rubis & de perles, & noués
de roses de ruban incarnat & blanc, de même
que tous les crins. Il y avoit sur le chanfrin une
grande rose de rubis. Les six bossettes étoient
deux autres roses. Le mor & les étriers étoient
d’argent garnis de rubis & les resnes de brocart
incarnat brodé d’argent aux extremitez, desquelles
pendoient des campanes à pendeloques.
Matthieu Gosztola
Paul Micio, docteur en Lettres modernes de l’Université Paris IV–Sorbonne, expert en argenterie ancienne, auteur de nombreux articles et livres sur l’orfèvrerie française, travaille régulièrement avec les grands musées du monde, le Metropolitan Museum, le Louvre, le Victoria & Albert Museum, le Nationalmuseum de Stockholm et le Getty.
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