Paul-César Helleu, Dir. Frédérique de Watrigant
Paul-César Helleu, Dir. Frédérique de Watrigant (présidente des Amis de Paul-César Helleu), Somogy éditions d’art, 2014
Le dessin.
La pointe sèche.
Le trait et la couleur pour approcher un murmure de source.
Murmure secret.
Qui a capturé – sans le vouloir, innocent comme le sont, sur quelque côte imaginaire, les citrons ployant vers la mer, entraînés par le poids du soleil que l’air, dans sa dévotion, a fait glisser jusqu’à eux, jusqu’en eux – quelque chose du feu soudain et doux.
Celui de la grâce.
Là est tout Paul-César Helleu.
Et l’ouvrage, fort bien fait et abondamment illustré que nous offrent les éditions Somogy nous permet d’en prendre la juste, et comme éblouie mesure.
Sans souffrir le moindre retard, sachez faire le voyage jusqu’à ces pages. Jusqu’en ces pages. Vous vous trouverez sans dommage en charmant lieu, en charmante compagnie. Le lieu du non dicible, la compagnie du mystère.
La compagne de la lecture de ce bel ouvrage, c’est le geste familier de fermer les yeux. Chaque visage appris par le regard se trouve ainsi suivi du clair de la nuit intérieure.
Et cette nuit intérieure est un lever de rideau. Permettant – possiblement – à tous les fantômes de venir sur la scène, pour conter leur histoire. Comme le veut la tradition du rêve.
Ainsi, après que vous aurez retrouvé le fantôme de Montesquiou, endimanché et rythmant son pas que le vent ne saurait désorganiser, avec une canne au pommeau d’argent marqué – vous le devinerez en fermant les yeux un peu plus fort encore – d’un dessin rappelant le sublime simple et odorant du buis, Paulette Howard-Johnston avec son « Bonjour M. Elstir » fera que la nécessité de Proust et d’Elstir se rappellera à vous, avec la fulgurance d’une brûlure débarrassée de toute douleur, de toute marque et conséquemment de toute cicatrice, se rappellera à vous avec, en vous, le mouvement soudain d’un dé à jamais relancé sur une table Louis XV en chêne recouverte d’une nappe douce et blanche brodée de la soie des secrets :
« Les stores étaient clos de presque tous les côtés, l’atelier était assez frais et, sauf à un endroit où le grand jour apposait au mur sa décoration éclatante et passagère, obscur ; seule était ouverte une petite fenêtre rectangulaire encadrée de chèvrefeuilles, qui après une bande de jardin, donnait sur une avenue ; de sorte que l’atmosphère de la plus grande partie de l’atelier était sombre, transparente et compacte dans sa masse, mais humide et brillante aux cassures où la sertissait la lumière, comme un bloc de cristal de roche dont une face déjà taillée et polie, çà et là, luit comme un miroir et s’irise. Tandis qu’Elstir, sur ma prière, continuait à peindre, je circulais dans ce clair-obscur, m’arrêtant devant un tableau, puis devant un autre ».
Ouvrez les fenêtres, mais ne refermez pas la nuit (et ses clartés si nombreuses). Ouvrez ce livre.
Matthieu Gosztola
Auteurs de l’ouvrage : Paulette Howard-Johnston, Xavier Narbaïts, Sylvie Collignon, Francesca Dini, Henrik Harpsoe, Manon Hasselmann, Aurore Le-Pogam-Laloy, Côme Rémy, Laure-Caroline Semmer.
Relié sous jaquette, 39,00 €
23 x 30 cm / 304 pages / 350 illustrations
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