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Orphée du fleuve, Luc Vidal (2) - Le poème, parole de la ferveur d’aimer

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) le 02.06.16 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Orphée du fleuve, Luc Vidal (2) - Le poème, parole de la ferveur d’aimer

Le temps d’aimer a marqué les traits du visage d’Orphée. Luc Vidal écrit : « Orphée allait rejoindre les chiens du vent au bout des quais et à la prochaine halte, les quatre points cardinaux de la joie brilleront dans les bras de l’amour » (Orphée du Fleuve, éd. du Petit Véhicule, 1999). La traversée du fleuve vers la possibilité du bonheur – du Vivre, de l’Écrire – fait son partage des eaux sombres et des eaux claires, mais le large, toujours le Large, se met en route quoi qu’il arrive dans la navigation de « nous » prenant le cap – même déboussolés – vers le cœur du monde. Et l’inventaire des « paysages fabuleux », même lesté par « de longs mois d’absence au cœur du monde », par « les songes du diable de la dernière marée », par « les nuits sans amour les arbres arrachés », par « les tourmentes des mauvais rêves » – l’inventaire des paysages fabuleux reste au milieu de la tempête debout, lui-même en son pesant d’or mélangé, au final fabuleux.

L’inventaire de la vie que dressent les poèmes de Luc Vidal sur la table du bonheur et de la convivialité de la rencontre, rassemble les pièces éparses d’un puzzle composé de fragments de mémoire et de bouts d’espoir, construisant un présent riche de présences, créatif et fédérateur. La mémoire vertige de l’Autre passe par « le vertige de vivre (qui) passe par toi ». L’onde de marée vibre dans le Poème de l’Orphée du Fleuve, quand la mer prend tous ses affluents fertilisés depuis la source, jusqu’à l’estuaire du vertige où les lèvres de l’amour, « douce déchirure », ouvrent l’espace du désir.

Désir de la permanence, de l’amour durable, les allées du temps voient dans la poésie de Luc Vidal grandir l’arbre-de-vie démultiplié, dans l’altitude contrariée de « l’amour éclaté » quand s’inscrit l’absence sur la carte du cœur escorté par les oiseaux « venus avec leurs cris de démence », dans l’éblouissement du soleil quand retentit « la fantasia du sang ». La chevelure d’encre des paysages fabuleux, des « sentiers du ciel » au bout des doigts, et « les danses de l’ombre » toujours au coin de la rue folle de soleil enrobent le « rendez-vous des tendresses ». L’amour et le cœur partagé au-delà dénouent la gorge des sortilèges, l’horizon d’un futur à latitude libre sous le buisson ardent des « randonnées secrètes ».

« Les femmes sont les paysages fabuleux des rues

les chansons des mains la joie retournée du chagrin

l’amour échappé des sentiers du ciel

le feu jamais éteint des randonnées secrètes

les cinq saisons parfaites des amants défaits

le temps minutieusement rebelle aux désirs de jeu

le voyage des lèvres au fond des blessures

un grand journal sans nouvelles de ferveur

les cheveux embrouillés au matin blême

la gaieté du plaisir soudain ensorcelé

les danses de l’ombre au rendez-vous des tendresses

les violences que l’on fait au mur délavé

de longs mois d’absence au cœur du monde

des villes lumineuses mon amour éclaté

la revanche de l’eau sur les déserts de feu

les songes du diable de la dernière marée

la carte des envies qui me fait orphelin de toi

les ruches miel de l’infinie semence

les derniers sortilèges et je serai libre

les oiseaux sont venus avec leurs cris de démence

trouer les nuits sans amour les arbres arrachés

les tourmentes des mauvais rêves je ne suis plus

mais les rythmes merveilleux des ventres

les silences des récits parfumés

et les tentations chaudes pour les louanges de l’amour ».

(Les paysages fabuleux in Orphée du Fleuve, éd. du Petit Véhicule, 1999)

Le poète chante la femme, « Les femmes sont les paysages fabuleux des rues », l’amour ouvre ses paumes de l’espoir dans la durée des cœurs déraisonnables mais fidèles. La femme dans la poésie de Luc Vidal est geyser. Source. Eau douce. Conque d’où crie encore à l’oreille de qui écoute le voyage des amantes, des lèvres, des rivages de la plénitude du plaisir « aux désirs de jeu », au fond des blessures. La femme est poésie, née du ventre de la vie et donatrice de cette vie d’où remonte la parole (« je suis là par la volonté des ventres et la faim du monde »). « La poésie, écrit Luc Vidal dans le poème Lesanneaux du chagrinest une femme bleue que l’on mange avec / des yeux de bêtes et leur sang devient comme le pollen / un printemps fabuleux ». Inspiratrice, muse du « sixième continent » (« et l’amour toujours l’amour l’amourle sixième continent comme une rose de folie ») les femmes habillent les rues de l’existence et des traversées du poète, comme de leurs doigts elles revêtent la nuit d’habits lumineux. Dans Le bleu du quotidienCent mille façons de tes étreintesLa FantasiaLe sixième continent et tant d’autres poèmes, bras démultipliés d’une même divinité nommée Amour, la poésie de Luc Vidal jaillit des « sources ardentes du désir », le cœur débordant à la coupe des lèvres, et son chant en l’honneur de la femme est louange, célébration, déclaration permanente d’amour. L’atteste admirablement le texte ci-dessous, en résonance dans le rythme avec le Requiem de Léo Ferré :

« pour le jaillissement de toi des bonheurs perpétuels

pour tuer les offenses et les chagrins de ferveur

pour ouvrir les saisons à la semence de leurs secrets

pour contraindre la pluie à sécher tes larmes

pour faire du vent l’anneau de ta vie

pour ce cœur débordant à la coupe de tes lèvres

pour les cartes de la chance du jour levé dans tes yeux

pour ton ventre rebelle qui rend jalouse la nuit

pour la tiédeur du lit amazone de tes plaisirs

pour ton regard perdu en avance d’un printemps

pour l’amour et l’amour de cet amour l’heure bleue dans tes yeux

pour tes sourires surréels je ne serai jamais Orphée

pour tes mains apprivoisant le silence et la douleur

pour ton corps familier qui berce ma vie

pour les vingt-cinq étoiles du cœur de tes années

pour ta voix de minuit au bout du voyage

pour ton sexe jailli aux sources ardentes du désir

pour tes visages qui prennent de douceur la folie

pour ta solitude quand ton amour est orphelin

pour l’imaginaire tendresse de tes idées

pour les couleurs de tes doigts la lampe céleste

pour tes lèvres femmes et la chair rose de l’intimité

pour l’amoureuse parole et le génie de tes gestes

Pour l’île du printemps la fantasia de son sang

pour ton sommeil léger tous les soleils

minuit

je t’aime ».

 

Murielle Compère-Demarcy

 


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A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


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Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.