Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, Blaise Cendrars, en la Pléiade
Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, novembre 2017, Édition publiée sous la direction de Claude Leroy, 2912 pages, 115 €
Ecrivain(s): Blaise Cendrars Edition: La Pléiade Gallimard
Selon la légende, Freddy Sausey devint poète à New-York dans la nuit du 6 avril 1912. Pour honorer cette révélation il change de nom : Blaise Cendrars naît. Néanmoins, dans Panama ou les aventures de mes sept oncles, il donne une autre voie à la gestation de l’œuvre : « C’est le crash du Panama qui fit de moi un poète/ C’est épatant / Tous ceux de ma génération sont ainsi /Jeunes gens /Qui ont subi des ricochets étranges ».
Il ne faut pas prendre bien sûr ses aveux au pied de la lettre. Mais – et justement – tout Cendrars est là. Non seulement il refuse de jouer « avec des vieilleries » et entame son parcours. Il s’agira pour lui de casser « la vaisselle » et surtout de ne cesser de s’embarquer vers l’ailleurs pour « tuer les morses » ou – sous d’autres climats – de craindre les piqûres de la mouche tsé-tsé.
Très vite il abandonnera la poésie pour la fiction. Mais 12 ans plus tard, il publie deux recueils dont Feuilles de route, journal de bord de son voyage maritime jusqu’au Brésil, fait « de petites histoires sans prétentions », de croquis intimistes. La rupture forgée par l’écrivain lui-même est donc à nuancer.
Mais il semble bien désormais que l’envie d’écrire des poèmes le quitte, comme il le dit sans détour : « Il y a plein de bouquins où l’on ne décrit que les couchers de soleil ». D’autant que poème ou non, roman ou non, l’auteur reste l’apôtre de la modernité qu’il revendique dans un texte de 1917 : « La modernité a tout remis en question ».
Mais à l’inverse de la propension futuriste et quoique – comme les tenants de cette école – partisan de vitesse et d’énergie, il ne cherche pas forcément un régime verbal exploratoire et dissident. Il est vrai que la force de la poésie et du roman chez Cendrars n’a pas besoin de pétards mouillés ou de recettes.
L’auteur, par-delà les mouvements de l’époque, se rapproche plus des écrivains du départ, la fugue là où se mêlent rêves, réalité, éléments biographiques et puissance du langage. Plus que de chercher la forme nouvelle pour elle-même, Cendrars saisit le langage pour faire de chaque œuvre non « la dernière en son genre mais la première d’un art nouveau ». Ses textes proposent une poétique très particulière qu’il faut relire et mettre en regard à ses Œuvres autobiographiques complètes publié il y a deux ans dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Jean-Paul Gavard-Perret
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