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Observons une minute de silence, Jean Foucault

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 05.10.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Observons une minute de silence, Éditions Henry, coll. La main aux poètes, 2015, 111 pages, 8 €

Ecrivain(s): Jean Foucault

Observons une minute de silence, Jean Foucault

 

La poésie de Jean Foucault ressortit bien à la poésie dite « engagée », qui nous délivre un message. Dans Observons une minute de silence, ce message se vrille à des événements tragiques de l’Histoire (la Guerre, les attentats terroristes, les accidents dramatiques de la vie, etc.) pour lesquels, lors de commémorations, une minute de silence est observée. Minute, ainsi que le remarque justement l’auteur, qui ne saurait être imposée :

 

« Ce peut être malsain

D’observer une minute de silence.

Est-ce à son insu ?

Je ne l’imagine pas.

(…)

La minute de silence

Doit être socialement autorisée

Et même vivement conseillée

Mais non pas obligée

Il ne faut pas qu’il y ait

Le moindre dépit à son plein gré

(…) »

 

L’objectif du poète et du recueil est exposé d’entrée, « en guise d’argumentaire » :

 

« Si je présente un recueil consacré à la minute de silence ce n’est pas que les guerres me semblent une bonne chose. Sinon sans doute j’aurais réalisé des poèmes en l’honneur des arcs de triomphe.

Je m’insurge contre les guerres mais je m’interroge sur les imageries collectives qui tournent à leurs alentours et cherche à comprendre. Je fais partie de cette société, je ne suis pas au-dessus de la mêlée.

Honorer les morts de ces boucheries guerrières, c’est honorer ceux qui n’ont pas été reconnus que comme chair à canon. Cela m’est plus agréable que d’honorer les généraux. Je n’irai pas au-delà du maréchal-des-logis-chef dans ma compassion.

J’ai donc été amené à m’interroger sur cette institution qu’est la minute de silence. J’ai eu envie de “l’observer” comme on nous appelle à le faire. De l’observer en poète, ce qui me permet je l’espère d’aller un peu plus loin que ce que nous faisons habituellement ».

 

L’objet du combat, mené en parallèle à l’écriture de ce recueil, est clair et ciblé. Au-delà des conventions et des « machines à commémorer la guerre » (monuments aux morts, sonneries aux morts, discours officiels, et « la fameuse minute de silence » qui « peut être une occasion de parler autrement de nos morts »), Jean Foucault « poétise (ici) sur les minutes de silence » afin de dénoncer l’absurdité et les horreurs (« boucheries ») de la Guerre (« Non la guerre n’est pas jolie ») ; afin de promouvoir la Paix, comme dans La statue à cinq têtes, une publication antérieure des éditions Corps Puce (que Jean Foucault dirige) qui réunissaient la participation créative de l’écrivain Alain Serres – actuel directeur des éditions Rue du monde – et de Pef, engagé lui aussi depuis toujours dans le combat pour la paix.

Le recueil se compose de trois parties, abordant la minute de silence selon un angle d’observation spécifique : « De quelques considérations personnelles propres aux minutes de silence », « Observation des bonnes pratiques dans le monde des minutes de silence », « Les minutes de silence de 14-18 et leurs monuments aux morts », « Les minutes de silence au service de multiples commémorations ».

Après nous avoir rappelé que la minute de silence fut d’abord créée en 1919 en Grande-Bretagne et en France et que les commémorations qu’elle accompagnait se sont étendues à divers traumatismes subis par de malheureuses victimes d’accidents d’avions disparus, de navires qui ont coulé, et par des hommes « morts au travailmineurs emportés par un coup de grisou, syndicalistes victimes de la répression patronale ou d’Etat », Jean Foucault ajoute qu’aujourd’hui la minute de silence se recueille « pour commémorer la mort des Sans-Papiers morts devant la forteresse Europe, disparus en mer, noyés dans une Méditerranée utilisée comme les douves des châteaux forts du Moyen-Age ».

On retrouve ici le militantisme de l’éditeur de Corps Puce et poète Jean Foucault – notamment par le biais de l’association amiénoise Lignes d’écritures et la Maison nomade de poésie –, infatigable défenseur des Sans-Papiers, des Réfugiés – aux côtés de son épouse Christine Foucault, membre active de la CIMADE d’Amiens (N.B. : le projet annuel « Migrant’scène » associant la CIMADE et la Maison nomade de poésie d’Amiens, en lien avec les éditions Corps Puce, renouvelle son travail en 2018).

L’auteur nous confie en poésie quelques « considérations personnelles propres aux minutes de silence », dont celle-ci :

 

« Pour moi la minute de silence

Se présente sous forme de serpentin

De circonvolution aléatoire

Légèrement frangée

Enrubannée d’invisible.

Mais on me dit que ce n’est pas obligatoire

Pas universel

A chacun sa chacune.

Chacun à la montée de silence

Qui lui convient le mieux

Venue de la pression de sa salive

De la délicatesse

De sa fleur de peau

De sa chair de poule.

Hommage aux vibrants silences

Propres à chacun ».

 

Comme « à chacun sa chacune » sa minute de silence, chacun/chacune choisira parmi ces poèmes sur la minute de silence ceux qui lui conviendront le mieux (en observant, peut-être, à la lecture de chaque texte, une minute de silence…). Chacun/chacune ira de son interprétation selon sa sensibilité, son état d’esprit. Chacun/chacune appréciera plutôt tels poèmes réalistes, objectifs, ou tels autres de lucide ironie.

La rédactrice de cette note de lecture s’est plus longtemps arrêtée sur les poèmes de tonalité ironique qui, entre/sous leurs lignes, expriment comme dans une minute de silence, la brutalité et l’absurdité grotesque / farcesque de certaines tragiques situations. Qui ne sont pas de « faits divers ». Car, lorsqu’il s’agit d’humanité, lorsqu’il est question de la vie d’un homme, quel qu’il soit, peut-on jamais parler de « faits divers », ne serait-ce qu’une minute (dans les journaux, à la télévision, etc.) ? Mais silence ! Écoutons plutôt le poète :

 

« En rade de Brest

J’ai vu un sablier

Un assez gros navire

Qui ôtait le sable des fonds

Pour que les bateaux puissent

Tranquillement

Continuer de passer.

Alors j’ai pensé que tout ce sable récolté

Pourrait aider à calculer

Les minutes de silence pour grandes

boucheries

Un sablier affecté aux seules Grandes

Guerres

Je vais en toucher deux mots au capitaine ».

 

Et ce poème, quelque peu en périphérie de la minute de silence mais, toujours en lien avec sa problématique, et d’actualité :

 

« “Droit au silence !”

Revendique l’homme aux chaussures vertes

Qui essaie de tuer

Dans la presse parisienne

Le droit au silence

N’est pas apparenté

A la minute de silence

Le droit au silence

Ou la politique de l’omerta ? »

 

Jean Foucault utilise ici son droit à la parole en observant en poète la minute de silence, ce qui permet au lecteur, oui, d’aller plus loin que ce qui se fait habituellement.

 

Murielle Compère-Demarcy

 


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A propos de l'écrivain

Jean Foucault

 

Jean Foucault, éditeur-poète, Chercheur associé, titulaire d’une thèse en anthropologie sociale et culturelle (Paris-5) et d’une thèse en littérature comparée (Paris-13) consacrée à la partie de l’œuvre d’Hector Malot dédiée à l’enfance, Coordonnateur du réseau Littératures d’enfance mis en place au sein de l’Agence Universitaire de la francophonie en avril 2003 et dont le CRELID est gestionnaire des fonds. Chercheur associé également à l’université de Cergy, dans le cadre du CRTH, Centre de recherche Texte/Histoire, Directeur de l’association éditrice du bulletin Lignes d’écritures. Directeur de l’association Lignes d’écritures. Président des éditions Corps Puce. Chercheur (littératures d’enfance et de jeunesse, réseau AUF, etc.). Membre de la Charte des Auteurs et illustrateurs jeunesse et de quelques autres associations.

 

A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


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Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.