O, l’œuf, Yves Namur (par Didier Ayres)
O, l’œuf, Yves Namur, éditions La Lettre volée, Coll. Poiesis, janvier 2023, 143 pages, 20 €
Le zéro, l’eau, le murmure
Quelle difficulté pour un écrivain de resserrer son écriture sur un ou deux éléments forts ! Ici l’on se trouve dans la danse et dans la musique du poème en un pas répété sur une musique minimale. L’on pourrait tout d’abord rapprocher ce texte du Plat de poissons frits de Ponge, pour donner à ressentir le jeu et la complexité de l’épure. Mais je retiendrai surtout le côté volatil du corps dansé.
Quels sont ces éléments ? L’œuf et sa déconstruction, des fragments graphiques que Francis Édeline qualifie de Zone Image, et aussi les 3 ou 4 lettres dont l’une est double (un E dans l’O) de ce fameux œuf, plus dégustation que forme intrigante et parfaite. Puis l’impression maritime, aqueuse, le murmure de la mer, ostinato très léger et parfois confinant à l’humour. Enfin, une langue très simple voire elliptique et pauvre.
Il s’agit, je pense, pour Yves Namur, de s’approprier une langue qui se cherche et qui pour cela se détruit, se défait, se déconstruit. Car ce fameux « O » pourrait être le Zéro, le chiffre inventé et qui n’existe pas (sinon, dans l’esprit des mystiques).
l’eau, l’onde, longue la mer
tu longes la digue, la vague.
le voyage de l’œuf
sur le bateau des Indes.
Ce qu’il faut retenir concrètement, c’est la plasticité de l’œuf confronté à des odes, des stances, des allégories, des épigrammes. De ce fait, on se retrouve mieux dans la forme ovoïde que dans le goût des protéines de l’œuf de consommation. C’est-à-dire que l’on se trouve dans le sentiment primaire d’une matérialité poétique, une recherche directe et matérielle. Donc, d’une fatalité. Tout cela dans la promptitude du haïku, de la forme courte parfois musicalement allitérée, dont le récit est très parlant, espèce d’épopée immobile devant un œuf-coque.
Didier Ayres
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