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Neverland, de David Léon, Mise en voix, création le 26 mai 2016

Ecrit par Marie du Crest le 17.06.16 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Neverland, de David Léon, Mise en voix, création le 26 mai 2016

Dans le cadre du festival ZOOM #2 Du Réel au Poétique, qui a eu lieu du 12 au 26 mai au Théâtre Ouvert à Paris, le texte de David Léon, encore inédit, a été l’objet d’une mise en voix par Blandine Savetier, assistée d’Irina Solano avec six comédiens-lecteurs, dans la salle de la Coupole.

« Billie Jean / the one who will dance on the floor in the round »

Il y eut pour moi d’abord, les feuilles éparses du texte découvertes comme un long poème polyphonique. Silencieux et presque mystérieux Le commencement de tout. L’entrée dans Neverland, le domaine de l’enfance éternelle Michaël Jackson, peuplé d’animaux, parc d’attractions égoïste. Royaume de Peter Pan.

Ensuite vint la lecture avec les voix. Six jeunes comédiens, debout, derrière des pupitres comme des chanteurs ou musiciens en concert. Du côté jardin au côté cour, la « psy », jeune femme blanche qui commente, explique, analyse ce qui est arrivé à Mikaël, puis Mikaël le noir en chemise blanche, Jimmy noir en simple tee-shirt, les sosies, blanc et métisse, travestis en M. Jackson portant chaussures bicolores, petit feutre, gant noir brillant, pantalon trop court et chaussettes blanches, enfin le père noir en marinière.

Viendra un jour la mise en scène, le jeu total des corps en spectacle, l’unique résonnance de cette écriture si particulière. L’aboutissement de tout.

Michael Jackson ne fut pas seulement un enfant prodige, un chanteur, musicien et danseur hors du commun ; il fut aussi la part humaine entre âge adulte et enfance, peau noire qui échappe à son peuple, un visage peut-être féminin, mort vivant en caisson, un garçonnet exploité et abusé par son père, un pédophile scandaleux devant les tribunaux américains. De toute cette matière se nourrit David Léon.

Pour l’instant il s’agit de mettre en voix.

Une voix off féminine dit que le texte est de David Léon et répète l’épigraphe comme je le ferais, moi la lectrice dans mon bureau si je voulais hausser la voix. Montrer sur le champ qu’il sera question de Lui, celui que des milliards de gens, à travers le monde, reconnaissent au tout premier regard. Il est celui dont Sosie est possédé (sa voix, ses chansons, ses gestes du sexe saisi par la main, le moonwalk et les claquements de doigts rythmiques). Sosie est double, féminin, masculin, métissé. Au début était Billie Jean.

Les « lecteurs » endossent un rôle mais sont aussi purs récitants de ce personnage que le texte capte par pans poétiques, discours un peu raides et hésitants de celle qui sait ce qui est arrivé à Mikaël. Elle s’adresse à nous, statique, trop érudite alors que David Léon l’a écrite forte, passionnée.

Les autres comédiens, eux sont déjà dans le travail théâtral des effets d’accélération, de crescendo de la voix (le récit du viol de Mikaël par Omar), du mime de ce qui est proféré, du mouvement sur le plateau et du chant. Les Sosies font rire le public Ils jouent l’enterrement tandis que Jimmy, Mikaël et Josh (le père) énoncent le tragique et le sacré du gospel. Le descendant d’esclaves, l’enfant maltraité, le corps médicamenté, overdosé, le coupable lynché par l’opinion publique. Le père, Josh qui, à la fin, monologue, qui confesse ses fautes mais les justifie en entonnant les paroles bibliques :

Go down Moses way down in Egypt land. (…)

Let my people go.

Sa voix forte peu à peu faiblit comme la lumière qui va vers le noir et le comédien prononce ces mots : « Josh a dit ».

Cette première tentative de s’emparer du texte ne rend pas la puissance poétique, politique que charrie la langue unique de l’auteur, lui préférant le divertissement, un souvenir de « musical » : Blandine Savetier va jusqu’à nous détourner de sa force. Metteure en scène/ traditor !

Neverland sera prochainement créé sur France-Culture par Christophe Hocké qui devrait également en assurer la première mise en scène. Par ailleurs, le texte fait partie du palmarès de la Commission nationale de l’aide à la création de mai 2016 dans la catégorie Textes dramatiques. Il sera également édité en 2017 aux Editions espaces 34.

 

Marie Du Crest

 


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A propos du rédacteur

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Rédactrice

Théâtre

Marie Du Crest  Agrégée de lettres modernes et diplômée  en Philosophie. A publié dans les revues Infusion et Dissonances des textes de poésie en prose. Un de ses récits a été retenu chez un éditeur belge. Chroniqueuse littéraire ( romans) pour le magazine culturel  Zibeline dans lé région sud. Aime lire, voir le Théâtre contemporain et en parler pour La Cause Littéraire.