Murmures de l’absence, Gérard Mottet
Murmures de l’absence, éd. Tensing, avril 2017, 103 p. 12 €
Ecrivain(s): Gérard Mottet
Cette Note de lecture est dédiée à la mémoire de l’éditeur Éric Jacquet-Lagrèze, disparu brutalement.
Les auteurs publiés par les éditions Tensing appréciaient chez Éric Jacquet-Lagrèze son dévouement et sa générosité d’esprit remarquable.
Puisque ce livre de poèmes d’incomplétude a l’originalité de se clore par une citation en exergue à la toute dernière page, je souligne ce trait, au parfum de bruyère – celui connu par les poètes, cette bruyère d’Apollinaire entrevue sous les paupières lorsque celles-ci se recueillent ou lorsque l’on veut faire murmure au milieu du bruit qui nous prend parfois malgré nous :
« J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends ».
Ces vers reviennent vers nous comme ils disent la poésie de Gérard Mottet. Une poésie de claires-voies. Non pas la ferveur, mais la douceur ; non pas le feu, mais l’étincelle ; non pas la mélancolie, mais le Dire de l’Absence par le Poème. Car la poésie est recours, ici, incontestablement. Par la voix de la chair et du souffle. La voix de l’arbre et du ruisseau. L’efficacité de sa parole est tacite dans la voix du poète :
« (…)
Car la voix seule du poème accorde chair et souffle
de présence à l’inexistant
aux brumes de l’imaginaire
aux ombres indécises
aux légendes ensevelies
aux possibles dévoilements
au silence des gouffres infinis
à tout ce qui occulte la lumière
à l’invisible à l’inaudible à l’irréel
à la béance du désir à l’impossible… »
Le poète Gérard Mottet vient par la parole dire l’absence, « pour qu’elle vienne (l’)habiter ».
Ce dernier verbe doit s’entendre dans son agir fort – peut-être, probablement, au sens Hölderlin.
L’absence s’exprime sur le seuil.
Le murmure est ce canal de miroir brisé, où cependant « des fleurs d’offrande (embaument) la solitude».
Tous les titres de Murmures de l’absence sont éloquents, citons-en quelques-uns : Aux confins de l’absence, L’odeur des printemps révolus, Remembrement, Leurres du temps, … – toutes ces vagues, « murmures de l’absence en l’abîme de l’âme », déroulent la mouvance de ces lignes de partage existentielles trouées de silence, d’ombre, de sanglots. La structure formelle des poèmes de Gérard Mottet, leur rythme et leurs sonorités, coulent telles des sources vives au cours, lit, résurgences souveraines.
Le poète, par la claire-voie des murmures, tamise la lumière pour la refaire naître de l’ombre, et faire ressurgir « la douleur d’absence »…
« à disparaître dans l’éternité des jours »
… dans le récitatif d’un chant poétique – Petite suite d’ombre et de lumière – tel
« Refoulé par les flots
le coquillage vide
en son enroulement
murmure pour lui seul
l’absence de la mer ».
Avant de partir, parenthèse du présent, l’Oiseau de l’amour murmure sur l’arbre-de-Vie les chemins de solitude. Jusqu’à demander d’écouter sa supplique :
« Écoute ma supplique
je te le demande une fois encore
dessine-moi de beaux nuages blancs
dans mon azur tout lisse et monotone
et sur la mer étale de mes songes
trace-moi les chemins des oiseaux voyageurs
(…) »
Texte très probablement intégré à la quinzaine des poèmes de l’adolescence du poète Gérard Mottet (sur les 72 textes composant le recueil)… auquel celui-ci, sans doute de maturité, fait écho, pour dire aussi le chant à claire-voie de l’Amour :
« ô combien mieux je te vois rayonnante
dans la lumière de l’absence
quand je ferme sur toi
d’amour t’enveloppant
l’enclos de mes paupières ».
Murielle Compère-Demarcy
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