Mourir pour la patrie, Akira Yoshimura
Mourir pour la patrie, Trad. du japonais par Sophie Refle janvier 2014, 176 pages, 18,50 € (13,99 € en numérique)
Ecrivain(s): Akira Yoshimura Edition: Actes Sud
Les récits de guerre peuvent refléter fidèlement l’état d’esprit des combattants décrits dans ce type de texte. C’est assurément le cas avec Mourir pour la patrie d’Akira Yoshimura. Ce roman se déroule lors de la bataille d’Okinawa, intervenue entre le 1er avril 1945 et le 21 juin de cette même année. Un jeune collégien japonais, Higa Shinichi, est enrôlé dans le bataillon de la première école secondaire d’Okinawa. Pourtant, ce jeune garçon, patriote jusqu’au bout des ongles, est déçu : il n’est pas affecté dans une unité combattante, mais dans un service de secours et d’évacuation des blessés. Son souhait le plus cher est de mourir en soldat japonais : dans l’honneur et par le sacrifice pour le « pays des dieux ».
Ainsi éprouve-t-il face aux événements ordinaires de la guerre des sentiments d’attirance : « De multiples fusées éclairantes retombaient en se balançant comme des tentacules de méduse dans le ciel au-dessus de la zone ciblée. Les flammes rouges qui montaient de la terre lui firent penser à l’éclat des torches d’une immense armée qui avancerait dans la nuit. Il observa avec ravissement ce spectacle nocturne ».
Shinichi éprouve également un regret, très furtif, de ne pouvoir se battre comme ses camarades combattants, en songeant aux circonstances éventuelles de sa mort, peu conformes à son code de l’honneur :
« La seule chance qu’il avait de mourir était d’être fauché par un obus, mort qu’il n’aurait pas choisie. Il était en colère. Il ne pouvait se satisfaire d’être tenu ainsi à l’écart de la bataille ».
Par l’orientation de son roman, entièrement tourné vers le seul point de vue de ce jeune garçon candidat inconditionnel au sacrifice, l’auteur met bien en évidence les mécanismes qui ont produit ce genre d’attitude : l’absence du doute, le culte du nationalisme, la pulsion de mort. Il décrit, également, les circonstances de cette bataille d’Okinawa, cruelle, meurtrière, destructrice à l’excès. On éprouve, à la lecture de ces dernières un sentiment d’étrangeté face à l’attitude de Shinichi Higa, enfermé dans ses certitudes. L’intérêt de ce roman prend sa source dans l’insinuation de cette sensation dans l’esprit du lecteur.
Stéphane Bret
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