Moscow, Edyr Agusto
Moscow, traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos, février 2014, 112 p. 12 €
Ecrivain(s): Edyr Agusto Edition: Asphalte éditions
Moscow. Un titre presque trompeur. Car il n’est pas question de Russie. On est même de l’autre côté de la planète. Moscow, c’est le surnom de l’île de Mosqueiro, à côté de Belém, au Brésil. On y suit les vacances de Tinho Santos. Le lieu est paradisiaque. Un paysage de carte postale, mais le narrateur du roman n’est pas un touriste comme un autre et ses passe-temps sont la bagarre, les agressions, les vols et le sexe.
On n’y verra pas non plus de palmiers ni de belle mer turquoise. D’ailleurs on n’y verra pas le jour.
« J’ai choisi la nuit. Le jour me blouse ».
Le livre commence par une agression. Tinho et sa bande trouvent un couple sur la plage. Un fils à Papa qu’ils vont passer à tabac et violer. Sa compagne connaîtra le même sort. C’est donc une soirée réussie pour le gang. Ils ont pris du plaisir, à défaut d’en donner.
« Plus je sens la peur, plus mon désir est grand », confie le narrateur.
Le style est direct et rapide. L’auteur utilise des phrases courtes, très courtes, qui donnent un sentiment de vitesse et qui colle parfaitement à l’état d’esprit du personnage. Tac, tac, tac. Ça cogne, ça frappe, ça va à cent à l’heure. On est tout de suite branché sur son humeur. Pris à la gorge, dans une espèce d’urgence, comme si c’était un homme à bout de souffle qui nous contait son histoire.
La psychologie ? Elle est aux abonnés absents. Peu importe. Ce n’est pas le propos et on s’en passe très bien. Le narrateur est une crapule. Un affamé d’ultra-violence mais on ne saura rien des motivations. Il est comme ça et puis c’est tout. Pas d’explications, pas de justification. Le garçon vit l’instant présent et nous avec lui. Il agresse des gens, parce que c’est comme ça. C’est une bête sanguinaire et écervelée. Un bloc de haine.
« Quand vient la rage, y’a plus rien à faire ».
Lointain cousin du Alex d’Orange Mécanique, il n’en a cependant ni la finesse d’esprit (si l’on peut dire), ni l’érudition et pas non plus l’humour si bien qu’on en vient peu à peu à se désintéresser de son sort. Chaque époque (ou chaque pays) a les criminels qu’elle mérite.
« Je vis ma vie. Avec moi et moi-même ».
Les membres de son gang de petites frappes sont tous interchangeables. L’un va tomber amoureux d’une femme enceinte qu’il viole. Femme qu’il cherchera à revoir car il est persuadé qu’elle est également tombée amoureuse de lui pendant qu’il la violait (on a déjà fait plus subtil).
Il y a deux intrigues parallèles entre deux agressions. Tinho rencontre une fille, Graça, de bonne famille. Il ressent pour elle des émotions jusque-là inconnues. Mais comment séduire une femme lui qui est habituée à les violer ? Il tente quelques approches. Le garçon a pour lui un visage avantageux, il inspire aussi facilement la sympathie.
On découvre petit à petit que Tinho a également une part encore plus sombre. Il agresse les gens, les envoie à l’hôpital, les viole, mais c’est du menu fretin par rapport à une force qui prend le contrôle de lui par moments. « Un passager clandestin » comme pourrait le dire Dexter. Il se réveille avec la sensation qu’il s’est passé quelque chose, mais il ne se souvient pas de quoi.
« De temps en temps, j’arrive pas à me contrôler. J’apprends après coup par les journaux, par les infos ».
C’est malheureusement la partie la plus faible du roman, probablement parce qu’elle n’est pas assez développée. Cette force est obscure pour le narrateur, elle l’est aussi pour le lecteur. Elle devient un gimmick un peu trop facile qui va torpiller la fin du roman. Edyr Agusto avait réussi à faire monter la sauce, mais il ajoute ce petit ingrédient de trop qui en casse la saveur.
Yann Suty
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