Mon frère Robert Johnson, Dans l’intimité de la légende du blues, Annye C. Anderson (par Guy Donikian)
Mon frère Robert Johnson, Dans l’intimité de la légende du blues, Annye C. Anderson, mars 2021, trad. Nicolas Guichard, 172 pages, 19 €
Les éditions Payot-Rivages Rouge ajoutent à cette collection dédiée au blues et au rock ce témoignage qui, s’il n’est pas strictement littéraire, éclaire d’un jour particulier la vie du légendaire bluesman Robert Johnson. On connaît peu de sa vie, sinon qu’une légende, tenace au point que littérature et BD s’en sont abondamment emparés, voudrait qu’il rencontrât le diable pour lui vendre son âme…
Robert Johnson est né le 8 mai 1911 dans le Mississipi, où il meurt le 16 août 1938 dans des circonstances troubles. Malgré sa très courte vie qui ajoute à la légende, il va devenir le bluesman le plus influent de l’histoire de cette musique. Et le contrat « signé » avec le diable explicite cette importance.
Alors qu’il allait s’endormir, le diable lui serait apparu à un croisement de routes (crossroads), aurait pris sa guitare pour l’accorder, et se serait évanoui. De ce pacte avec le diable seraient nés les fameux 29 titres que le bluesman a créés et enregistrés, titres qui ont inspiré de nombreux musiciens tels que Jimi Hendrix, Jimmy Page, Brian Jones et Keith Richards des Rolling Stones, Eric Clapton…
Et pour ajouter à la légende, le bluesman meurt à vingt-sept ans, « inaugurant » ainsi le « club des vingt-sept », qui verra la disparition prématurée de Janis Joplin, Jimi Hendrix, Brian Jones, et plus récemment, Curt Cobain et Amy Winehouse.
Un tel musicien a bien évidemment suscité de nombreuses publications, chacune y allant d’une révélation extraordinaire, éclairant d’un jour nouveau la vie du bluesman. Soit, mais là, et comme le dit le sous-titre, il s’agit de l’intimité du musicien, de sa vie quotidienne, livrées par sa demi-sœur, Annye C. Anderson, qui a côtoyé Robert Johnson, qui a parfois partagé son quotidien et qui s’est battue pour les droits afférant aux titres enregistrés qui ont attiré la convoitise d’individus peu scrupuleux, soucieux seulement de l’aspect pécuniaire de ce moment historique de l’histoire de la musique.
Dès la première page, Annye C. Anderson affirme vouloir rétablir une part de la vérité de la vie du bluesman, établissant par là un paradoxe : « Je veux que les gens sachent qui était le véritable Robert Johnson et quels souvenirs je garde de lui. Certains affirment qu’il était un hobo. Ils donnent l’impression qu’il était seul, au monde. Il a bien sûr vécu sur la route, mais il avait aussi une famille qui l’aimait ».
Elle ajoute qu’il est mort deux fois pour sa famille, lorsqu’il a été tué dans le Mississipi, puis « quand les rapaces ont colporté tous ces mythes sur lui, ont volé nos photos et nos souvenirs pour se remplir les poches ».
Rétablir la vérité, quitte à écorner la légende, donner de Robert Johnson une image plus humaine, plus accessible, et ne plus imaginer un bluesman esseulé, c’est ce à quoi s’emploie l’ouvrage. « Brother Robert raffolait de la cuisine de ma mère, sa sauce barbecue, son chowchow et ses légumes ».
Physiquement, le bluesman était plutôt attentif à son aspect, « il avait toujours les cheveux soigneusement arrangés, il utilisait de la brillantine Dixie Peach. Il était grand et mince comme les femmes aiment les hommes, il avait une taille haute et des hanches étroites ».
Musicalement, on apprend aussi qu’il aimait pratiquer la guitare seul pour améliorer son jeu, pour parfaire sa technique et être en mesure d’écrire des titres qui aujourd’hui encore sont repris par de nombreux musiciens. On pense ici à Love in vain, repris par les Stones, ou encore à Sweet home Chicago.
Guy Donikian
Annye C. Anderson, demi-sœur de Robert Johnson, publie à 94 ans ses souvenirs du mythique bluesman, un témoignage précieux qui rétablit quelques vérités.
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