Moi, Asimov, Isaac Asimov (par Didier Smal)
Moi, Asimov, avril 2022, trad. anglais (USA) Hélène Collon, 624 pages, 10,40 €
Ecrivain(s): Isaac Asimov
Autant être honnête : à moins d’être un admirateur quasi pathologique d’Isaac Asimov, cette autobiographie a tôt fait de lasser, voire peut franchement tomber des mains. Pour l’apprécier, il faut avoir envie de lire les propos auto-célébrants d’un auteur qui certes prévient que la modestie est absente de ses qualités mais dont l’autosatisfaction confine parfois à la cuistrerie. Un exemple puisé au hasard : lorsqu’il évoque Robert Silverberg, autre grand écrivain américain de science-fiction, il écrit ceci : « il était certainement aussi brillant que moi, ce qui a dû lui poser les mêmes problèmes d’insertion sociale ». C’est le « certainement » qui fait grincer des dents…
D’un autre côté, force est d’admettre qu’Isaac Asimov fut un auteur prolifique au possible, un touche-à-tout de génie, un vulgarisateur scientifique de première importance, et le créateur d’au moins deux séries de romans de science-fiction indépassables, celui de Fondation (où il crée la notion de « psychohistoire », dont on pourrait penser que le Club de Rome s’est inspiré au début des années soixante-dix) et celui des robots (dans lequel il crée les trois lois de la robotique, qui vont marquer l’ensemble de la création littéraire et cinématographique, puis télévisuelle). Bref, oui, un génie.
Peut-être l’erreur consiste-t-elle à lire ce Moi, Asimov avec d’autres attentes que celles générées par le titre, d’un égotisme absolu : il y est question d’Asimov, de ses multiples talents, de la façon dont il parvient à les imposer, et si surnagent çà et là quelques paragraphes où il parvient à se détacher de lui-même pour évoquer véritablement son œuvre, et rien qu’elle, et non en tant qu’elle reflète sa personnalité incomparable et incommensurable, il est au fond peu question de l’œuvre d’Asimov dans cette autobiographie.
C’est regrettable, car quiconque a apprécié l’œuvre en question aimerait pouvoir lire ce qu’en avait à dire Asimov lui-même. Mais au fond, ce n’est pas plus mal : on peut y retourner, à Fondation, sans qu’Asimov ait à servir de guide. Et il ne serait pas le premier génie dont, une fois qu’on a appris à un rien le connaître au travers d’une correspondance par exemple, on se dit qu’on aurait mieux fait d’en rester à son œuvre. En ce sens, soyons heureux de ne rien savoir d’Homère : si ça se trouve, c’était un salaud qui ne mettait jamais sa tournée dans les tavernes d’Athènes et n’arrêtait pas de la ramener sur la puissance évocatrice de ses vers.
Didier Smal
Isaac Asimov (1920-1972) est un auteur américain d’origine russe. Son œuvre la plus connue (et géniale…) est une « histoire du futur » dont les cycles des robots et de Fondation font partie intégrante.
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