Mirouault les murs seuls nous écrivent, Serge Prioul (par Philippe Leuckx)
Mirouault les murs seuls nous écrivent, Serge Prioul, Editions La Plume de Léonie, mai 2024, 90 pages, 10 €
Né à Fougères en 1955, Serge Prioul a travaillé dans le textile et a deux passions, la pierre et le poème. Poète-maçon, maçon-poète, il s’inscrit dans les pas fervents du « manœuvre » que fut le grand poète Thierry Metz.
A l’occasion de travaux de maçonnerie à Mirouault, le poète a alterné les ciseaux et la truelle, la plume et le ciment, la taille et la pierre, l’écriture des murs et celle des mots.
Sans un mot de trop, comme une pierre s’enchâsse, le poème déroule sa fatigue, sa précision d’orfèvre, le coup d’œil de l’artisan, la griffe du poète.
Pas de graisse entre les mots. Pas de surplus de colle ou de ciment entre les pierres. L’esthétique de notre poète sent l’économie et la justesse. Au fil des travaux, les poèmes viennent, le soir après travail, ou durant la journée, sur un bord de bétonneuse.
Ce sont des poèmes simples et profonds, qui disent combien la main (honorée dans la belle préface de Michaël) sait le geste, sa netteté, pour « araser ton mur ».
A force de s’appliquer, le poète sait troquer les outils du mur et ceux du texte (lui, le spécialiste du textile, autre trame) : le mur ainsi monte et le poème allège (« Dans ma marge écris ton poème »).
Restaurer, rénover, joindre les pierres ensemble, en dépit de la fatigue (« dénouer mains et reins »), construire un nouveau mur dans le silence, à la seule force des mains.
J’aime beaucoup les deux chantiers parallèles, mêlés, jumeaux : la pierre et le poème – « maçonner écrire pareil ça commence ».
Le poète breton de culture Gallo nous laisse là un témoignage vibrant de ce que les mains peuvent offrir au regard, à la lecture, au partage car cette poésie féconde accorde autant de place au geste créateur qu’à l’intelligence des mots, au-delà de toute muraille qui empêcherait de bien saisir le monde.
Un très beau livre.
Philippe Leuckx
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