Mirlitontaines et chansons oubliées, Marcel Amont (par Murielle Compère-Demarcy)
Mirlitontaines et chansons oubliées, Marcel Amont, Les éditions du Mont-Ailé, janvier 2021, 80 pages, 15 €
La première de couverture précise que cet ouvrage de la Collection « Poésie et chanson (presque) en poche », dirigée par Matthias Vincenot, nous offre ici des « Raretés et inédits illustrés par des dessins de l’auteur ». L’objectif du communiqué de presse s’exprime avec vigueur en quelques mots clairs : « Les temps que nous traversons nous pressent à accueillir cette fantaisie qui colore le cœur ! ». Cet ouvrage – orchestré par « un amuseur, un fantaisiste » comme il se définit lui-même : Marcel Amont – familier de Boris Vian, Charles Aznavour, Georges Brassens, apprécié d’auteurs-compositeurs comme Alain Souchon, Francis Cabrel, Maxime Le Forestier – réussit à réveiller le merveilleux, parvient à laisser monter l’enchantement au cœur de l’anodin, comme ce voyage à Babylone en plein cœur d’ici :
« Sésame ouvre-toi, que la Terre ouvre son ventre,
Que l’Île au Trésor ressuscite du désert !
Babel oubliée, renais enfin de tes cendres,
Comme une Atlantide émergeant du fond des mers ».
(À Babylone)
L’humour et l’autodérision (politesse de ne pas se prendre au sérieux) s’affichent dès le titre avec ce mot de « mirlitontaines » pour qualifier les textes poétiques que l’auteur nous propose dans ce livre. Sont-ce là vraiment des vers de mirliton ? « J’ai fouillé dans le fatras de mes succès populaires et mes laissés-pour-compte pour retenir ce qui me permet de mériter le joli nom de poésie. J’ai fait un tri en parfaite et sereine incompétence », prévient Marcel Amont qui réconcilie sans ambiguïté la chanson et la poésie « séparées par des points communs », que Matthias Vincenot s’était attaché à réunir également dans son livre Poésie et chanson, stop aux a priori, paru en 2017 aux éditions Fortuna. Si le second remettait les pendules à l’heure, à l’écart des raccourcis commodes, des jugements de valeur tendant à minorer la chanson pour encenser la poésie, le premier nous met devant le fait accompli qu’un flirt fertile entre chanson et poème peut générer l’émotion et le plaisir attendus par le lecteur/auditeur.
Une époque entière ressurgit ici et là, au détour d’une page, clin d’œil nostalgique réveillé en chanson :
« Ces années-là, on parlera de Cassius Clay d’Amin Dada
De Pinochet, des barricad’à la Sorbonne,
De la bande à Baader, des œillets de Lisbonne,
De Martin Luther King et de Che Guevara
(…)
Et moi et moi et moi
Moi j’aurai quarante ans…
Ces années-là, on parlera de Soraya et de Mao,
Y’aura l’new-look, le roi Farouk et l’Indochine,
Salut Kroutchev adieu Staline
Papa, la bonne et moi on attendra Godot
(…)
Et moi j’aurai vingt-cinq ans »
… âge de nos tranches de vie que le poète Marcel Amont chante au « Futur antérieur », de ses quinze à quarante ans ; âge de nos tranches de vie que le poète Matthias Vincenot célébrera, lui, en 2018, en leur dédiant un opus de poésies intitulé J’ai vingt-ans (éd. Fortuna), en bousculant la chronologie et « nous offrant par le poème-étendard le sang toujours réactivé des chansons de demain. “Quand je serai jeune” »… (Cf. recension sur le site de La Cause Littéraire, J’ai vingt ans, par Murielle Compère-Demarcy, 10-04-2018 :
https://www.lacauselitteraire.fr/j-ai-vingt-ans-matthias-vincenot)
… époque conjuguée au temps de ce laps éternel où Breton voyait « l’adorable temps du futur toujours antérieur », pour un pays, une aube, toujours à recommencer : la vie, l’amour (parce que « l’amour est (toujours) au bout du voyage », chanson Tu pars), chantonnés à l’air libre, au gré d’un air de « mirlitontaines »…
Murielle Compère-Demarcy
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