Miraculum, Michael Marqui (par Patryck Froissart)
Miraculum, Michael Marqui, Editeur Independently published, mars 2021, 320 pages, 16 €
Qu’il est bon de replonger inopinément dans l’univers de romans d’aventures qu’on a parcourus jadis en lisant Féval, Zévaco, Sue, Dumas et autres Théophile Gautier !
Michael Marqui, avec ce premier roman (il se dit qu’un second est en cours d’écriture), met en scène des personnages qui auraient pu croiser le chemin des D’Artagnan, Dantès, Pardaillan, Lagardère, Fracasse…
En rupture avec les précités, ici, toutefois, le héros est une héroïne, et les protagonistes se retrouvent ponctuellement, en lieu et place des fougueux chevaux qu’ils savent lancés à leur poursuite, face à un monstre hurlant, fumant, se déplaçant à une vitesse effarante : l’une des premières automobiles.
Anna incarne sous ce prénom fictionnel l’une des deux jeunes filles qui accompagnaient Bernadette Soubirous lorsque « la Dame » lui est apparue. Sans revenir précisément sur la destinée connue de celle qui a été canonisée, l’auteur imagine un singulier destin sacré pour Anna, qui aurait reçu de « la Dame » un objet qu’elle aurait pour sainte mission de poser sur un des multiples reliquaires christiques disséminés de par la France, ce qui aurait pour effet une divine réaction, miraculeuse, le « miraculum » qu’évoque le titre du livre.
Mais à Rome, le pape Léon XIII ne l’entend pas ainsi de sa papale ouïe. Le secret de cette sacrée mission ne doit surtout pas se répandre dans les milieux non-initiés du vulgum pecus, ce qui risquerait de déclencher, hors de tout contrôle épiscopal, des vagues de mysticisme populaire à la limite d’un paganisme de mauvais aloi. Il faut donc « protéger » Anna soit en l’enfermant ad vitam aeternam au fin fond d’un couvent, soit en l’enlevant promptement manu militari pour l’emmener au Vatican où elle pourra bénéficier de la protection éternelle des gardes suisses de sa Sainteté et échapper ainsi aux innombrables et occultes puissances qui la traquent pour lui extorquer l’objet ou pour la mettre définitivement hors d’état de mener à bien son mandat christique.
Car elle en a, des ennemis ! Aux ressorts du rocambolesque de cape et d’épée dont la chute de l’empire et l’accélération des technologies nouvelles marquent naturellement la fin prochaine, aux éléments du récit historique qui font la trame sur laquelle file l’intrigue, l’auteur mêle habilement les manœuvres fantasmatiques de forces obscures qui ont fait le succès, entre autres, des ouvrages de Dan Brown. Et Anna de fuir par monts, par vaux, par villes, de cachette en sombre asile, continuellement harcelée par ses poursuivants multiples, ceux qui lui veulent du bien, ceux qui veulent sa mort, ceux dont on se demande ce qu’ils lui veulent, sbires papaux, Illuminati, affidés de loges ésotériques, adeptes de sectes louches, et, surtout, parmi eux, le sinistre Otto qui la poursuit en… auto, véhicule apparaissant comme un des premiers monstres mécaniques se déplaçant avec de terrifiantes déflagrations.
Heureusement, Anna a un ange gardien, un protecteur sincère, avec qui elle va vivre, en opposition à sa foi profonde et en dépit de ses vœux pieux de chasteté, rongée périodiquement par ce douloureux dilemme, une liaison amoureuse brûlante qui constitue, marquée de scènes d’une sensualité sans équivoque, une passionnante intrigue dans l’intrigue. Gwendal, aidé tantôt par ses amis de la chouannerie (eh oui, les Chouans sont là, eux aussi), tantôt par ses compagnons d’un cercle parisien universitaire, révolutionnaire, ouvertement athée, réussit à soustraire Anna aux velléités de ses poursuivants jusqu’au jour où…
C’est dans la complémentarité contradictoire de ce couple que se révèle peut-être le dessein de l’auteur, consistant à faire d’Anna et de Gwendal une représentation romanesque du combat politique qui oppose, du début de la IIIe république à la loi de séparation des églises et de l’Etat, les mouvements laïques et les « bouffeurs de curés » aux forces rétrogrades des milieux catholiques de la noblesse décadente et d’une bourgeoisie bien-pensante.
Tout, dans le roman en effet, transpire la fin d’une époque et les tourbillons transitoires agitant la naissance d’une ère nouvelle, républicaine et laïque.
Michael Marqui ne s’est pas contenté de raconter une histoire. Il a inscrit sa narration dans un contexte sociologique, historique, spatial, gastronomique fondé sur une recherche documentaire minutieuse. Ainsi en est-il des toponymes urbains, de la description détaillée, pseudo-réaliste, des rues, quartiers, maisons et monuments célèbres, des itinéraires, des différents modes de transport qui coexistent encore en cette fin de siècle (calèches, fiacres, trains, l’automobile d’Otto), des vins et des mets que dégustent à longueur de récit les divers protagonistes (on devine que notre auteur est un œnologue averti et un fieffé gourmet), des habits, attributs et colifichets que portent les personnages, des cryptes et lieux sanctifiés abritant telle ou telle relique, des paysages variés traversés par les fuyards et par ceux qui les traquent, des intérieurs du palais du Vatican, et, par l’instauration d’un narrateur omniscient, des réflexions, pensées, extases et tourments des personnages tout autant que des « tempêtes sous un crâne », en particulier celles qui troublent à maintes reprises la bienheureuse sérénité du successeur de Saint-Pierre.
A consommer sans modération.
Patryck Froissart
Né à Ossun, petit village près de Lourdes, Michael Marqui a passé son enfance dans la cité mariale. Après des études au Lycée à Tarbes et à l’Université Paul Sabatier à Toulouse, il part faire son service militaire à La Réunion, en tant que professeur de mathématiques. Les voyages se multiplient et l’expatriation continue, l’Australie, La Guyane, Abidjan, Kinshasa, et enfin l’Afrique du Sud où il réside actuellement avec son épouse et son fils. Il passe des vacances en France régulièrement, pour retrouver sa famille à Lourdes.
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