Miniatures, Patricia Castex Menier
Miniatures, éd. Tensing, 2015, 76 pages, 9 €
Ecrivain(s): Patricia Castex Menier
Dédié au poète Pierre Dhainaut, ce recueil rassemble des tercets, quelques distiques, répartis en cinq parties.
Leur force provient de l’efficience qu’il suppose du Langage. De l’efficacité poétique qui en résulte.
Que le poème soit invoqué, et il vient. Il ouvre même le recueil, sans nous avoir jamais quitté :
« Oh !
Le poème revient,
Mais où était-il donc ? »
Qu’un mot soit évoqué, il est happé et sera retenu par l’attention du lecteur :
« Comment
a-t-on pu inventer
le mot abat-jour ? »
« Pierres d’attente :
ce serait un titre de poème,
c’est-à-dire un chemin ».
Leur force provient de leur pouvoir de suggestion, implicite dans tout poème court en général, qu’ils soient japonais (haïkus, senryū, etc.) ou tercets classiques, ou… ; implicite dans toute forme brève d’énonciation. La miniature constitue une peinture fine, un genre de peinture délicate de petite dimension, que le Langage ici éclaire, en éclairant ce qu’il exprime du monde et de nos perceptions, sensations, sentiments :
« Bonheur :
ombre chinoise.
L’oiseau tient dans la main ».
Poèmes-miniatures d’observation : Tour à tour, / rien de plus fier et de plus piteux / qu’un tournesol. Poèmes-miniatures d’un art de vivre ou de sagesse : Le je à proscrire, / le tu qui libère, / le nous qui respire. Poèmes-miniatures improbables : Penser / comme pensent un arbre ou une fleur / quand ils ont l’air de penser. Poèmes-miniatures traversés par la lumière : Venir, / un chandelier à la main, / et l’âme éclairée a giorno ; par des images éloquentes :
« Langage,
bloc de sel
que lèche le bruit diffus de l’univers ».
A l’instar des lettres ornementales qui ornaient le commencement des chapitres dans les manuscrits médiévaux, un mot / une entité ouvrent souvent ces tercets qu’une virgule, un saut à la ligne, séparent des deux vers suivants, pour en éclairer en explorer une réalité donnée à voir par le poème. Ainsi de nos actions communes (Penser, Venir, Lire) ; de l’univers et de son ressenti ou de son vécu (Bonheur, Écouter la lumière) ; du poème lui-même, rose du Langage (Ce qui soulève le poème), dont ces Miniatures parlent avec l’expérience de qui en connaît les épines et le parfum.
Des télescopages opèrent une synesthésie des sens et sentimentale que la concision du poème même, en miniature, éclaire encore davantage :
« Écouter la lumière,
suivre ses reflets,
avoir des yeux dans les oreilles »
Des évidences, devenant vérités par la bouche du poème, ouvrent le regard de nos réflexions :
« Le monde,
un poisson hors du bocal.
Et nous, dans la bouche du poisson ».
Ces poèmes Miniatures, de dimension non proportionnelle au dialogue que nous poursuivons sans arrêt avec le monde et nous-mêmes, zoome et taille au regard aiguisé des mots le contour approfondi de ce qui nous entoure.
Murielle Compère-Demarcy
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