Mes Arabes, Olivier Rachet (par Didier Ayres)
Mes Arabes, Olivier Rachet, éditions Tinbad, septembre 2021, 168 pages, 19 €
Identité
Il serait compliqué de résumer les impressions qui furent miennes à la lecture de cet ensemble de textes qui tournent autour de la faculté révolutionnaire de l’identité, ici identité homosexuelle – même si celle-là n’est pas tout dans le livre. On y voit surtout aussi une belle défense de l’Islam en ce qui concerne les mœurs ou la littérature.
Il m’a fallu trois petites journées pour lire Mes Arabes, et étudier, trop hâtivement sans doute, ce que j’appellerai ici : une herméneutique ou une phénoménologie de l’identité, ici appuyée sur un trait sexuel personnel et agissant. C’est avec cette approche en définitive que j’ai pu, sans temps morts, parcourir ce livre, à la fois poème en prose et réflexion sur soi, sur le soi homophile. Du reste, puisque j’évoque cette agitation des signes, qui s’interpolent dans le sein le plus intime de la construction d’un homo, je donne ici quelques mots phares de cet essai de discours amoureux arabo-musulman (car telle est la relation de l’auteur à lui-même passé par la figure vigoureuse de l’Arabe) : arabesque, Arabe, Raï, Paradis, alcool ou révolution notamment.
On pouvait continuer de lutter contre des moulins à vent et à paroles ; on ne vaincrait pas le sentiment jubilatoire d’appartenances multiples et contradictoires. Français, passe encore ; mais juif, chrétien, musulman, gay, lesbien, transgenre, Arabe, Algérien, Marocain, Tunisien, Martiniquais, Basque, Breton, Catalan, encore mieux ! On opposait, non sans allégresse vengeresse, à l’identité biométrique la magie de nos pseudonymes et les manifestes poétiques. Je suis un nègre. Je est un autre.
Toutefois, l’ouvrage est d’abord un style – et pour moi, le style c’est l’homme. Ce livre, comme un témoignage vivant, s’est développé tout bonnement sur un cycle de quelques semaines, et le style en garde donc une sorte de vélocité, de rapidité nerveuse – tout comme l’acte sexuel est de cette espèce : puissant et concis. Oui, le désir est là, avec sa propre poétique. Ainsi, cette profession de foi gagne en intérêt par cette force un peu aquatique des pages de l’opus.
Phénoménologie du sexe masculin, enveloppe englobante de l’amour physique qui, profane, conduit l’écrivain à une certaine intensité de vivre et en ce sens, passe la limite de l’excitation et se déborde de lui-même pour atteindre une sorte de cœur mystique – on sait où débouche cette dernière chez G. Bataille – mystique qui défend les Arabes, ses Arabes.
La passion du même : homosexualité. L’obsession du mimétisme : homosexualité. Le racisme, l’exclusion, l’impératif d’intégration ou d’assimilation : homosexualité. Le narcissisme alimenté par des réseaux sociaux de plus en plus normatifs, l’individualisme : homosexualité.
Pour me résumer, je dirais que le sujet ici est aussi bien la composition du texte écrit durant le simple dernier trimestre 2017, donc d’une forme littéraire fluide et allant avec courage, que le phénomène complexe de ce qu’est une identité, du pouvoir parfois qu’elle revêt comme principe d’éclatement, ferment de trouble au sein de la société hétérosexuelle, révolution, comme s’intitule l’un des chapitres. La fréquentation des Arabes confine au plaisir, où des jeunes Beurs symbolisent l’acmé d’une aspiration, d’une appétence pour le sexe masculin dans ce jus parfois dangereux où baigne Olivier Rachet. Homosexuel ne se conçoit ici que comme clémence, comme altruisme, comme plaisir sexuel socio-politique.
Didier Ayres
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