Mère (5), par Didier Ayres
Elle aimait son cousin.
Cette affection à la mère, à tout ce qui touche de près ou de loin la famille, ça le rend à moitié fou.
Mais, notre mère ? Qu’aurait-elle dit ? Elle aurait aimé ce fauteuil vert ?
Cette argenterie, par exemple.
C’est l’opus 28, car c’est avec lui que j’ai passé mes deux ans à la Villa Médicis comme correspondant. Un mode de vie. L’opus 28 !
Le cinéma des années 60. Toute cette période qui jouxtait la Guerre d’Algérie.
Et elle ?
Une addiction médicamenteuse. C’est pour ça, le suicide.
63 ?
Oui, octobre 63.
Donc, se souvenir est une question physique. Car on ne connaît rien a priori. On imagine les causes de la douleur, celles du désir, on cherche la paix, mais le corps parle, en quelque sorte, se souvient. Pour ce qui me concerne, ce sont les années de traitement à l’interféron, et cette sensation, cet état grippal violent en permanence. Mon corps se souvient.
On dit qu’il faut trois générations pour fabriquer une psychose.
Si tu veux, là encore, le corps est là.
Construit à partir d’une vision.
Et tu comptes aussi les différences morales ?
Oui, devant le suicide. Devant la maladie. Devant la faiblesse de ma sœur avec les barbituriques, les antidépresseurs et toutes les catégories de drogues douces. Tu sais, il y a longtemps, on faisait une hiérarchie entre les drogues, et les somnifères étaient considérés comme étant du régime social et morbide. Cela te dit-il quelque chose ?
C’est comme se souvenir d’un cauchemar.
A suivre
Didier Ayres
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