Mère (11), par Didier Ayres
Ma mère est d’origine belge.
Lectrice du Soir ?
Elle pense que tous les sept ou neuf ans on repart pour un cycle et que le mariage parfait n’existe pas.
Des discontinuités, lit-on aussi.
Merci.
Une sorte d’ordre intérieur dont le développement suit un cours chaotique, hasardeux et sans continuité.
Merci.
J’ai été le sujet de sa thèse.
Êtes-vous fière ?
Disons que pour une simple minute de musique il me faut parfois cinq journées avec des après-midis de véritable torture au piano.
J’écoute.
Merci.
Il faut chercher quelque chose qui n’a jamais été écrit mais que la musique contient en elle par tradition, par nature. Tu vois, dans la Querelle des Anciens et des Modernes, je ne vois pas comment trancher, pour moi qui n’aime que la musique du passé et qui cherche à être absolument moderne. Tu vois ?
Une petite inquiétude ?
Prenez.
Là ?
Un peu de violence. Ce qui ne veut pas dire du tout une brutalité, mais plutôt la force.
Cet arpège !
Une petite grappe de mots sans importance, qui passent et ne laissent rien derrière eux.
Tu restais dans l’armoire ?
Oui, au milieu des fourrures de ma mère. Pliée en deux. Avec cette odeur tenace de Guerlain. C’était de la fleur de cédrat. Toute mon adolescence. Avec cette aventure avec un homme marié alors que j’avais quinze ans.
Et cela a empiré et c’est devenu une sorte de rituel.
Didier Ayres
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